Conditionnement

Adapté d’une nouvelle d’Emmanuel DELPORTE, cette BD nous plonge au sein d’un monde vertical. Après un cataclysme, la terre se retrouve plongée dans une atmosphère de cendres en suspension, que le soleil ne traverse pas. Plus de couleur ; Un monde en gris et blanc dans lequel les ouvriers, organisés en caste hiérarchiques précises, montent une tour. Il paraitrait que des tours semblables se dressent ailleurs, invisibles dans cet enfer d’orages, de cendres et de vents. Il faut donc aller toujours plus vite et plus haut pour être les premiers, les meilleurs, pour la gloire de l’empereur.

Car ce monde du travail permanent de « poussée » s’établit aussi sur un code du travail, une bible, le vertex et son credo. Pour arriver à monter les étages, la société s’est déshumanisée. Les enfants, séparés de leurs parents, deviennent des singes à qui l’on apprend à grimper pour mieux construire, à lire uniquement le credo, à oublier l’individu qu’ils sont au seul profit de la masse, ou, la conclusion originale et dramatique le montre, au profit d’une élite dont ils sont les esclaves sans le savoir.

Cette trame intéressante et bouleversante de manipulation des masses, d’abrutissement par le travail et la privation de tout le reste, est superbement mise en image. D’abord seulement dans les gris, dans un environnement industriel anguleux, de poutres et de conduits, de technologies, qui font penser à Schuiten ; Ceci par le trait fin et précis, aussi bien pour les personnages que pour les lieux. Et puis, pour la conclusion, la couleur explose. Les décors sont plus fluides, les formes des constructions plus arrondies, les visages pleins aux traits plus lisses, de ceux qui ne manque de rien.

C’est vraiment une précieuse découverte que cet ouvrage, qui questionne l’existence de nos enfermements et nos conditionnements, dans un univers dessiné futuriste de grande qualité.