Interview de Bast (Angoulême 2013)

Découvrez Bast au travers d'une interview réalisée lors du festival international de la BD d'Angoulême.

BAST (http://bastbd.blogspot.fr/)

Propos recueillis par Lauriane et Louison.

 

1.”En chienneté” est une BD-reportage sur votre expérience en tant qu’animateur d’un atelier bande dessinée auprès de mineurs dans un établissement pénitencier. Comment se voit-on confier la responsabilité d’un atelier BD dans une maison d’arrêt ?

C’est un ami qui animait un atelier création de figurines en milieu carcéral qui a donné mon nom lorsqu’on lui a présenté ce projet. J’avais déjà travaillé une semaine avec des adultes en prison. C’était cependant très différent. Déjà la durée : une semaine au lieu de quatre ans. Et puis, l’attitude. D’un côté les adultes qui portent sur leurs épaules un poids qui les écrase, les sombre dans un quasi-mutisme – l’atelier a surtout tourné autour de l’enfance – et de l’autre les mineurs qui restent, malgré les circonstances, très vivants, très dynamiques. Ils ont un côté très dur, trop mûr pour leur âge, vu leur parcours. Ils sont parfois là pour des actes très graves dont ils attendent le jugement. Mais ils restent également de vrais gosses. C’est ce que j’ai voulu illustrer dans les pages 80 et 81.

Hormis d’énormes balafres apparentes et une morphologie travaillée par des heures de musculation, ils restent semblables aux ados de collège – lycée que j’ai pu côtoyer en tant que professeur d’arts plastiques.

 

2. Pas d’appréhension alors à l’heure de les rencontrer ?

Un peu. On pense forcément à tort à ce qu’on a pu lire ou voir mais les échanges téléphoniques que j’ai eus avant de m’engager furent très rassurants.

Ce n’est pas vraiment les jeunes qui m’ont interpelé mais plutôt l’absence de perspective visuelle qu’on a dans les prisons. Le regard est arrêté, très vite, très près. Difficile de se projeter dans tous les sens du terme.

Et puis les couleurs. Notamment ce vert avec lequel  les barreaux avaient été repeints. Vert qui prédomine du coup dans l’album, même si, au tirage, il ressort plus saturé que celui d’origine.

Enfin, il y a l’atelier qui n’est pas vraiment adapté à nos activités. Plutôt un aquarium…dans lequel il y a un aquarium…

 

3. Cette expérience a duré quatre ans, de 2004 à 2007. Pourtant, vous ne parlez que des ateliers de 2006 et 2007. Pourquoi ?

La première partie de l’album, ce serait plutôt les deux premières années. On découvre un peu. On est abasourdi puis au fur et à mesure, on réalise, on s’interroge : « J’vais devoir recommencer avec d’autres jeunes. A quoi bon ? Pourquoi ? ». Puis la conscience s’éveille et on analyse plus la situation. On retient davantage.

 

4. Ceci explique-t-il la très longue émergence de l’album ?

En fait, je n’allais pas, pendant longtemps, aux ateliers en me disant que j’en ferai un album. Je dissociais parfaitement mon rôle dans l’atelier de mon métier d’auteur de BD. Mais j’en parlais un peu autour de moi si bien que des amis m’ont demandé pourquoi je n’en ferai pas un livre. L’idée a fait son chemin.

Et puis, je dessinais par ailleurs.

Les deux derniers mois, par contre, j’allais à Gradignan avec cette idée en tête. J’étais du coup différent.

L’an dernier, je présentais mon travail aux éditeurs.

 

5. « En chienneté » est un album qui pointe le projecteur sur une situation plutôt méconnue : les maisons d’arrêt pour mineurs. Quelles suites pensez-vous donner à ce témoignage ?

L’association « Et si rien d’autre n’avait d’importance » met en place dès avril 2013 une exposition gratuite, qui peut être empruntée (seuls les frais d’expédition seront facturés) par les bibliothèques, collèges, lycées…

Cette exposition abordera l’album sous deux angles.

Focus sur l’univers carcéral de manière interactive mais également pédagogique mais aussi un aspect plus artistique sur les étapes de réalisation de cette BD : crayonné, encrage…

 

6. Avez-vous revu ou eu des nouvelles de ces jeunes ?

J’ai croisé l’un d’eux, rue Sainte Catherine, à Bordeaux. Il faut dire que j’habitais très loin de la maison d’arrêt. Quand je sortais, j’avais besoin de rouler, fenêtres ouvertes, de me gaver d’air et me vider la tête. Décompresser.

D’eux, il me reste surtout des souvenirs, ce livre et des dessins offerts et non signés. Les dessins que j’ai insérés dans le livre.

 

Merci Bast de nous avoir accordé de votre temps.

Merci à vous.

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