Culture Nipponne # 19 : Là-haut sur la montagne

A une trentaine de kilomètres au sud ouest de Takamatsu, la ville de Kotohira possède de nombreux trésors à visiter.

L'article qui suit est tiré du journal Zoom Japon n°38.

 

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Shikoku est une des régions les plus attachantes de l’archipel. Beaucoup de touristes étrangers s’y rendent sans le savoir lorsqu’ils visitent les petites îles de la Mer intérieure, Naoshima ou encore Teshima transformées progressivement en zone de promotion de l’art contemporain. C’est en grande partie grâce à ces lieux que la fréquentation touristique à Shikoku se développe bien. Mais les autorités locales aimeraient qu’on s’intéresse à ses autres points forts. Disposant d’une incroyable diversité de paysages, d’une solide gastronomie et d’un héritage culturel et religieux de premier plan, la région mérite en effet qu’on y attache plus d’importance.

Principal point d’entrée, la ville de Takamatsu est accessible par le train au départ de Tôkyô ou d’Ôsaka. Les plus pressés peuvent emprunter le shinkansen jusqu’à Okayama où ils changeront pour le Marine Liner qui les mènera directement jusqu’à la principale cité de la préfecture de Kagawa. Pour ceux qui s’y rendent en partant de Tôkyô, il existe le Sunrise Express Seto, un train de nuit dont le design et le confort valent le détour. Il circule tous les jours avec un départ qui s’effectue à 22h en gare de Tôkyô et une arrivée à 7h27 à la gare JR deTakamatsu. A une centaine de mètres de cette dernière, les vestiges du château côtoient une autre gare qui dépend d’une petite société de transports connue sous le nom de Kotoden. Créée au début du siècle dernier, elle exploite trois petites lignes dont la plus célèbre conduit les voyageurs jusqu’à Kotohira, cité de 10 000 âmes, que tous les Japonais connaissent parce qu’elle abrite Konpirasan, sanctuaire implanté au sommet d’une colline abrupte.

 


Le bâton est un précieux soutien dans l’ascension vers Konpira-san. On les emprunte dans
les boutiques situées au pied de la montagne.

 

Les 47 minutes de trajet qui séparent Takamatsu de ce haut lieu du shintoïsme s’effectuent la plupart du temps à bord de trains quelconques. Il arrive cependant que ce court voyage prenne un tour totalement inattendu quand la compagnie de chemins de fer sort de ses garages les rames qui ont marqué sa longue histoire. Une fois par mois, elle fait circuler ses trésors du milieu des années 1920 pour le plus grand plaisir des amateurs de trains, mais aussi pour ceux qui veulent tout simplement se plonger dans une autre époque lorsque les Japonais commençaient à découvrir les joies du tourisme.

 

Régulièrement, la société Kotoden sort ses trésors comme cette rame de 1925 pour aller à Kotohira.

 

Destination de premier choix, Kotohira possède le charme de ces petites bourgades tranquilles qui regorgent cependant de nombreux lieux à découvrir. La principale attraction est le sanctuaire érigé au sommet du mont Zôzu que l’on atteint après avoir gravi quelque 786 marches. Mais comme le chiffre 786 peut se lire en japonais nayamu comme le verbe qui signifie “être tourmenté”, on a mis en place une marche descendante qui ramène en définitive à 785 le nombre de marches à franchir. Un point important dans la mesure où Konpira-san a, avant tout, pour vocation de soulager et d’apporter le bonheur à ceux qui viennent y prier. Tout au long de l’ascension, des panneaux rappellent notamment que l’on vit plus longtemps si l’on a le sourire aux lèvres. Difficile de ne pas être d’humeur joviale lorsqu’on entreprend la montée vers Konpira-san. C’est la partie la plus facile du chemin.

 


Pour vivre longtemps, il faut avoir le sourire. Telle est la devise de Konpira-san, source de jouvence.

 

De chaque côté, des boutiques et des restaurants proposent les spécialités locales. Sur le pas de porte du restaurant Toraya Soba, une vieille dame s’adresse aux passants et les invite à franchir le seuil pour découvrir son établissement qui servit de décor à l’un des films de la série Otoko wa tsurai yo (C’est dur d’être un homme) réalisée par YaMaDa Yôji. Toujours vêtue d’un long chemisier mauve, avec son air bonhomme, elle donne le ton de ce que sera le trajet vers le sommet. Elle incarne parfaitement la chaleur de l’accueil dont la population locale sait faire preuve avec ceux qui s’y rendent. Même si le sanctuaire peut se visiter à n’importe quel moment de l’année, le printemps, en particulier au moment de la floraison des cerisiers, est évidemment recommandé dans la mesure où des dizaines de cerisiers ont été plantées des deux côtés du parcours. Celui-ci est relativement facile jusqu’à la centième marche et la porte Ichinosakatorii flanquée de deux lions réalisés en poterie de Bizen.

 

Cette carte éditée en 1928 encourageait les touristes à se rendre à Kotohira.

 

L’un d’entre eux tient sous sa patte un ballon qui vient rappeler aux visiteurs que le kemari, jeu de ballon très populaire pendant la période Heian (794-1185), est pratiqué dans ce lieu. On peut assister à cet événement trois fois par an (le 5 mai, le 7 juillet et aux alentours du 25 décembre) dans le jardin du Shoin, pavillon de réception, dont la visite (8h30-17h, 800 yens) est vivement recommandée. Il compte sept pièces dont les fusuma peints par MarUyaMaÔkyo (1733-1795) sont remarquables. Ses tigres et son mont Fuji laissent sans voix. De là, on se dirige vers asahi no yashiro, dédié à la déesse du soleil amaterasu. Le bâtiment est tellement somptueux que la plupart des visiteurs pensent qu’ils ont atteint le bâtiment principal. Finement sculpté, il annonce d’autres trésors à venir si l’on se décide à prendre l’escalier de droite qui mène vers le bâtiment principal (hongû) et l’ema-dô où sont exposés des maquettes de bateau et des ex-voto. Cela rappelle que le sanctuaire est dédié au dieu Omono-nushi, protecteur des marins et des pêcheurs. Un peu plus bas, une hélice géante offerte par la société de construction navale Imabari Zôsen suscite la curiosité et montre que les dons peuvent parfois prendre des formes originales. Comme dans d’autres sanctuaires, les donateurs sont nombreux. Tradition oblige, leur nom apparaît sur les stèles alignées le long du parcours sauf à un seul endroit où le nom a été remplacé par “anonyme” en hommage à un trés généreux contributeur qui ne souhaitait pas que son nom apparaisse. C’est suffisamment rare pour être mis en valeur. L’argent n’est jamais loin à Konpira- san dont le premier caractère du nom est justement celui qui désigne l’or. La couleur symbole du sanctuaire est le jaune d’or qui décore à la fois les amulettes (mamori) et les voitures modernes de la ligne de train Kotoden. Après avoir gravi les 583 marches restantes jusqu’au sanctuaire intérieur (okusha), il est temps de redescendre le mont Zôzu pour découvrir d’autres sites dans Kotohira. Une petite pause dans l’un des nombreux restaurants situés au pied de la colline sera sans doute appréciée avant de se rendre à Kanamaru-za, un théâtre de Kabuki bâti en 1835, qui est le plus ancien de l’archipel. Ouvert de 9h à 17h (500 yens), il se trouve à environ 500mètres de l’allée qui mène à Konpira-san. Toujours utilisé, il a accueilli et accueille encore les plus grands acteurs de ce genre théâtral où tous les rôles sont interprétés par des hommes. Les représentations ont lieu au printemps.

 

Kanamaru-za est le plus ancien théâtre de Kabuki du pays. Sa visite est riche d’enseignements.

 

Le reste de l’année, le bâtiment se visite et permet de découvrir son fonctionnement avec les trappes par où apparaissent et disparaissent les acteurs, la scène mobile, les coulisses ou encore la salle de bain avec sa baignoire en bois. Le lieu est magnifique. Il donne une idée assez claire de la façon dont les Japonais se distrayaient à l’époque d’Edo lorsqu’ils étaient déjà nombreux à venir prier à Konpira-san. Aujourd’hui, la ville de Kotohira accueille encore quelque 4 millions de visiteurs par an. Malgré ce succès, les habitants ne sont pas blasés et continuent de les recevoir avec le sourire. C’est sans doute pour cela que l’on vit si longtemps. Chacun se souvient de la devise de Konpira-san qui associe longévité et jovialité. N’hésitez pas à vous y rendre, vous verrez, vous ne le regretterez pas une seconde.  


Source:

Zoom Japon 38, ODAIRA NAMIHEI

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