Retour vers le passé : Batman Forever (1995)

 

REALISATEUR

Joel Schumacher

SCENARISTES

Lee & Janet Scott Batchler et Akiva Goldsman

DISTRIBUTION

Val Kilmer, Jim Carrey, Tommy Lee Jones, Chris O’Donnell, Nicole Kidman, Michael Gough, Pat Hingle…

INFOS

Long métrage américain
Genre : action/aventures
Année de production : 1995

- Puis-je vous convaincre d’emporter un sandwich avec vous, Monsieur ?
- J’irai au resto-route…

Ce premier échange entre Batman et Alfred, pris sur le ton de la blague, résume bien à lui tout seul le tournant pris par la franchise Batman en 1995. Batman : Le Défi de Tim Burton, le meilleur film de la tétralogie, n’a pas été un échec, mais il a moins attiré les foules que pour le premier volet en 1989 et il a surtout rapporté moins d’argent dans les caisses de la Warner. Le conte de fées gothique et psychosexuel de Tim Burton n’était pas non plus un candidat idéal pour le merchandising et c’est un élément que le studio a voulu rectifier dès l’épisode suivant. La scène évoquée juste au dessus a même servi pour un spot McDonald’s.

Tim Burton a donc été écarté et si il figure bien au générique au poste de producteur, son influence semble avoir été minime. Il a depuis révélé qu’il avait souvent été « interloqué » par les réunions de discussions sur Batman Forever, un titre qu’il déteste. Et comme il était plus intéressé par le développement de son biopic sur Ed Wood
Joel Schumacher, qui venait de signer Le Client, l’adaptation d’un roman de John Grisham, a alors été choisi pour prendre la relève de Burton. Il se dit que son premier montage, plus long, contenait encore quelques passages plus sombres qui ont été coupés pour privilégier la vision plus colorée, plus familiale et plus adaptée pour faire vendre des jouets que réclamait la Warner.

 

 

Contrairement aux superbes antagonistes de Batman : Le Défi, il ne faut pas chercher de la profondeur dans les portraits de l’Homme Mystère (préféré au Sphinx, traduction française du Riddler) et de Double-Face (qui a perdu toute la tragédie du personnage) tels qu’ils sont interprétés respectivement par Jim Carrey et Tommy Lee Jones. Les deux vilains de Batman Forever sont des vilains de cartoon et rien d’autre. Mais un cartoon ne dure que quelques minutes…là, sur presque deux heures, la blague s’étire beaucoup trop. J’adore Jim Carrey (il était génial dans The Mask sorti l’année précédente), mais ici son habituelle folle énergie produit l’effet contraire : il devient vite fatiguant dans le rôle d’Edward Nygma, savant fou dont le but est de siphonner les énergies mentales des habitants de Gotham pour devenir l’être le plus intelligent de la planète.

En Double-Face qui aurait bien eu sa place dans la série télévisée des sixties, Tommy Lee Jones semble complètement à côté de la plaque, perdu dans un barnum multicolore. Il se contente de gags lourds (aussi bien au niveau des dialogues que des décors) sur la dualité d’Harvey Dent, réduit à l’état de pantin vociférant et grimaçant. Jones a d’ailleurs détesté travailler avec Jim Carrey, dont il « ne supportait pas la bouffonnerie » pour reprendre ses termes.

 

 

Il n’y avait pas vraiment d’entente cordiale sur le plateau de Batman Forever. Joel Schumacher ne s’est ainsi pas du tout entendu avec Val Kilmer, le remplaçant de Michael Keaton qui a quitté la Batcave car il n’appréciait pas la direction prise par la franchise. Kilmer n’est pas mauvais…un brin inexpressif tout de même…mais il n’est pas vraiment un Batman mémorable et sa « psychanalyse » par le docteur Chase Meridian est aussi légère que les nuisettes vaporeuses portées par Nicole Kidman (et même sur le toit du commissariat).

Pour attirer les jeunes, il était finalement temps pour l’entrée en scène de Robin, reportée à plusieurs reprises. À 24 ans, Chris O’Donnell était quand même déjà un peu trop vieux pour jouer l’ado torturé et rebelle, assoiffé de vengeance après avoir vu sa famille mourir sous ses yeux à cause de Double-Face (qui remplace ici Tony Zucco). Mais le jeune homme était là pour faire de Bruce Wayne une figure paternelle, à l’opposé du justicier solitaire de la fin de Batman : Le Défi. Cela ne fonctionne pas totalement, mais le changement de dynamique était installé.

 

 

Alors y-a-t’il quelque chose à sauver de ce qu’on pourrait appeler un « soft reboot » (comme disent les américains) au sein de la franchise ? Il y a bien des références aux épisodes précédents et les « vieux de la vieille » (Michael Gough/Alfred et Pat Hingle/James Gordon) sont toujours fidèles, mais la tonalité a changé tout comme la représentation de Gotham qui abuse un peu trop du fluo (le pire était encore à venir). La première grosse scène d’action est très dynamique, il y a par-ci par-là quelques idées bien délirantes…mais globalement le film est terriblement inégal et le temps se fait long avant le mot « fin ».

Batman : Le Défi avait totalisé 266 milllions de dollars de recettes…Batman Forever a quant à lui engrangé 336 millions de dollars. Le succès financier était là et les jouets se sont vendus. Joel Schumacher a donc rempilé pour un quatrième volet sorti en 1997, l’une des pires années pour les adaptation de comics au cinéma…mais ceci est une autre histoire…

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