Retour vers le passé : Il était une fois en Amérique (1984)

 

REALISATEUR

Sergio Leone

SCENARISTES

Sergio Leone, Leonardo Benvenuti, Piero de Bernardi, Enrico Medioli, Franco Arcalli et Franco Ferrini, d’après le roman de Harry Grey

DISTRIBUTION

Robert de Niro, James Woods, Elizabeth McGovern, James Hayden, William Forsythe, Joe Pesci, Burt Young, Jennifer Connelly, Treat Williams, Danny Aiello…

INFOS

Long métrage américain/italien
Genre : drame
Titre original : Once upon a time in America/C’era una volta in America
Année de production : 1984

Dans la deuxième moitié des années 60, juste avant de tourner Il était une fois dans l’Ouest, Sergio Leone découvre le roman The Hoods, dans lequel un certain Harry Grey (un pseudonyme pour Herschel Goldberg) évoque son parcours de manière semi-autobiographique à travers le portrait de jeunes issus d’un quartier juif de Brooklyn et leur ascension au sein du monde du crime organisé de New York. Le sujet a fasciné Sergio Leone, qui a ensuite passé une bonne dizaine d’années à travailler sur ce projet notamment influencé par son amour du cinéma américain et la façon dont Hollywood a popularisé l’image du gangster dans les années 30 (Leone a rencontré Grey à plusieurs reprises et il fut amusé par la ressemblance de l’homme avec Edward G. Robinson et sa manière de s’exprimer tout droit sortie d’un film noir de la grande époque).

L’ampleur de l’histoire était telle qu’elle nécessita plusieurs scénaristes, de nombreuses réécritures et les hésitations des producteurs approchés n’ont pas manqué jusqu’à ce que Arnon Milchan donne son feu vert. Entretemps, Sergio Leone n’a tourné que deux films, mais pas des moindres : Il était une fois dans l’Ouest et Il était une fois la Révolution ont formé les premiers chapitres du deuxième cycle important de sa carrière, sa vision aussi précise que romanesque de l’évolution historique et sociale de l’Amérique, de l’« esprit » fantasmé du pays où tout est possible.

 

 

Les thèmes de Il était une fois en Amérique sont forts. Il y a avant tout l’amitié. Celle de cinq gamins sans le sou mais débrouillards qui se taillent un chemin dans la brutalité d’une existence de misère dans les rues de New York. Noodles, Max, Patsy, « Oeil-en-coin » et Dominic veulent être leurs propres maîtres. Ils sont forcés de grandir trop vite…mais de temps en temps une certaine innocence reprend le dessus, ce qui se révèle assez touchant (voir la belle scène de la dégustation du gâteau que Patsy voulait échanger contre une faveur sexuelle). Hélas, la dure réalité va s’imposer à eux après l’assassinat du petit Dominic (comme dans Il était une fois dans l’Ouest, la mort d’un enfant prendra une importance symbolique).

Il y a l’amour. David « Noodles » Aaronson est amoureux de Deborah (la très belle Jennifer Connelly dans son premier rôle), mais la jeune fille rêve de s’échapper de cette vie, elle rêve de danse, de comédie et d’Hollywood. Lorsqu’il la retrouvera des années plus tard, Noodles va souiller son idéal féminin (la Deborah adulte est jouée par Elizabeth McGovern), pris dans la violence (une violence toujours sèche, soudaine) de son quotidien où la femme n’est là que pour satisfaire les désirs sexuels. Un passage très difficile, d’une brutalité qui tranche avec la tonalité de la nuit qu’ont vécu les deux protagonistes…

 

 

Il y a aussi la soif de pouvoir, qui mène à la trahison et aux amitiés brisées. Pendant le séjour de Noodles en prison, Max (impeccable James Woods) a fait prospérer la petite bande, mais il veut toujours plus. Ses décisions et ses accès de colère ne sont pas toujours du goût de Noodles, mais ce dernier s’accroche à sa vision idéaliste de leur amitié et finira par prendre une décision qui aura de terribles conséquences. Noodles va devoir quitter sa ville, pour n’y revenir que trente ans plus tard, sous un nom d’emprunt, suite à l’envoi d’une mystérieuse lettre…

Superbement interprété par Scott Tiler et par Robert de Niro, Noodles est le socle de cette saga qui s’étend sur une quarantaine d’années en faisant des aller-retours entre les différentes époques. Sergio Leone filme souvent en gros plan son regard hanté, mélancolique, dans un jeu de miroirs qui alterne avec fluidité entre passé et présent. Le miroir, le cadre sont des motifs qui reviennent régulièrement, aussi bien dans la représentation du temps qui passe (avec de superbes transitions) que dans le questionnement personnel du personnage principal.

 

 

Fresque de près de quatre heures, Il était une fois en Amérique a été massacré par des décisionnaires de studio frileux qui ont sorti aux U.S.A. une version de 2h19 remontée dans l’ordre chronologique (tandis que le reste du monde a pu voir la version de Leone). Il n’est donc pas étonnant que ce montage jugé incompréhensible se soit soldé par un échec critique et public, ce qui a énormément touché le réalisateur. Je n’ose d’ailleurs imaginer le résultat, tant la narration repose pleinement sur sa structure qui entremêle les trois âges de Noodles…

Pour ce qui est devenu son huitième et dernier long métrage, Sergio Leone a signé un chef d’oeuvre absolu, une nouvelle fois magnifiquement servi par les magistrales compositions du maestro Ennio Morricone.

 

 

 

 

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