Retour vers le passé : Les Deux Visages du Dr Jekyll (1960)

 

Horreur
Long métrage britannique
Réalisé par Terence Fisher
Scénarisé par Wolf Mankowitz d’après l’oeuvre de Robert Louis Stevenson
Avec Paul Massie, Dawn Addams, Christopher Lee, David Kossoff…
Titre original : The Two Faces of Dr. Jekyll
Année de production : 1960

Publié en 1886, le court roman L’Etrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde a rapidement intéressé les producteurs de cinéma puisque les premières adaptations sont sorties sur les écrans dès 1908. Comme de nombreux films muets, il n’existe plus de copies de ce qui est considéré comme le premier film d’horreur américain. La plus célèbre version du muet reste le Docteur Jekyll & Mister Hyde de 1920 avec John Barrymore. Il y a eu ensuite le long métrage de 1931 avec Fredrich March et son prestigieux remake de 1941, réalisé par Victor Fleming avec Spencer Tracy dans le double-rôle principal.

Après avoir revitalisé les monstres classiques (Dracula, Frankenstein, La Momie), le studio Hammer a voulu se diversifier et son président Michael Carreras a alors mis en chantier une nouvelle adaptation de Jekyll & Hyde qui s’est démarquée des précédentes tentatives. C’est d’ailleurs une marque de fabrique de la célèbre maison basée à Londres : la Hammer avait déjà sorti en 1959 Le Vilain Petit Canard, pastiche comique de Jekyll & Hyde avec Bernard Bresslaw (de la bande des Carry On), et produira en 1971 Dr Jekyll & Sister Hyde, dans lequel le docteur Jekyll se transforme en une femme séduisante et diabolique.

 

 

Les Deux Visages du Dr Jekyll se différencie donc en ne faisant pas de Mr Hyde un être monstrueux d’apparence. Le docteur Henry Jekyll est un savant d’âge mur, un homme austère qui peine à satisfaire sa jeune épouse Kitty qui le trompe avec son ami Paul Allen. Jekyll est persuadé qu’en chaque être vivant deux facettes s’opposent et le but de ses recherches est de révéler celle qui reste cachée au monde. Lorsqu’il expérimente son sérum sur lui-même, il devient Edward Hyde, un beau jeune homme dont le seul but est de s’adonner à toutes les perversions possibles…

L’acteur Paul Massie (La Nuit est mon ennemie), à la carrière cinématographique assez courte (il fut rarement tête d’affiche), arrive à rendre convaincant ce changement physique qui ne s’exprime que par un maquillage épais et une modulation de sa voix. Il passe aisément d’un Jekyll pathétique et frustré à un Hyde amoral et manipulateur qui se joue de l’hypocrisie du monde dans lequel il évolue. Face à lui, Dawn Addams (Un Roi à New-York) campe une femme perdue dans un mariage sans amour et Christopher Lee est excellent dans le rôle de Paul, un homme faible, détestable par certains aspects tout en étant pleinement conscient de ses errements. À noter également la présence non créditée de Oliver Reed dans un de ses premiers films, avant de devenir l’année suivante le lycanthrope de La Nuit du Loup-Garou

 

 

La proposition est très intéressante, l’interprétation est de qualité et la direction artistique est comme souvent irréprochable. Mais Les Deux Visages du Jekyll a connu en son temps un échec cinglant, ce qui s’explique notamment par le ton s’éloignant des productions qui ont fait la gloire de la Hammer. Ici, l’horreur est plus psychologique, loin du baroque de Dracula et Frankenstein. Il y a peu de scènes-chocs (et celles-ci sont assez brèves à cause des coupes demandées par la censure britannique) et il se dit que la misanthropie exacerbée du personnage principal a rebuté les spectateurs et la critique de l’époque.

Ce sont justement toutes ces choses qui ont été reprochées au film de Terence Fisher qui en font l’attrait, lui conférant une identité à part dans la (très) longue liste des adaptations du texte de Robert Louis Stevenson…

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