TUMATXA : L'EMISSION ! - EPISODE 17 : Le chef lumineux en orbite florale
Je sais pas chez vous mais il fait un temps pas terrible… mais voilà qu’un rayon de soleil vient illuminer ma journée, et le vôtre aussi bien sûr : voici en effet la dernière livraison hebdomadaire de « Tumatxa! », votre émission radiophonique préférée. Après l’émission spéciale BD de la semaine dernière, retour à la formule classique, avec quand même une double rasade de cinoche. Le tout en musique, bien chelou et inquiétante aujourd’hui !!!
Pour le cinéma, ce sont donc deux films qui nous occupent aujourd’hui, en l’occurrence les deux premiers longs du très doué Brady Corbet, « child actor » devenu cinéaste, qui fait aujourd’hui les choux gras de la presse ciné avec son dernier film, le très attendu « The Brutalist » ; on se penche donc aujourd’hui sur « L’enfance d’un chef » (2015) et « Vox Lux » (2018), excellents premiers essais révélant effectivement un sacré potentiel pour un jeune cinéaste de 25 balais seulement au moment d’appeler son premier long. Celui-ci est l’adaptation très libre d’une nouvelle de Jean-Paul Sartre, datée de 1939, et comme son nom l’indique retrace une période particulière de l’enfance d’un futur dictateur fasciste en puissance (fictif, précisons-le). Porté par l’extraordinaire score de l’immense Scott Walker, le film est extrêmement original… tout comme « Vox Lux », le deuxième Corbet, qui se penche quant à lui sur le destin d’une pop-star (tout aussi fictive) dont l’essor semble lié mystérieusement à des tueries de masse et des attentats terroristes. Etrange, non ? J’ai l’impression qu’il y a déjà un retour de bâton critique à l’oeuvre en ce jour de sortie de « The Brutalist », quelques journalistes en vue semblant clamer « don’t believe the hype » (et pourquoi pas, c’est souvent de bon conseil) mais ont-ils seulement vu les deux premiers films de Corbet ? Je ne crois pas, ils n’en parlent pas en tout cas. Dommage, ils y auraient peut-être vu quelques audaces formelles et un fil thématique déjà en germe, passionnant et quelque peu cryptique, certes. Bref, un réal’ à suivre, quoi qu’il en soit !!!
Pour la littérature, nous abordons pour la première fois le travail de la romancière anglaise Samantha Harvey (également professeure de « creative writing » de son état), en l’occurrence le très beau et atmosphérique « Orbital ». Traduit par Claro (une valeur sûre), le roman nous invite dans une station spatiale et nous projette dans le cosmos, mais attention !! Harvey nous prévient : point de science-fiction ici. Au contraire, le travail de documentation pointu auquel s’est livrée Harvey confère au livre une sorte de patine documentaire passionnante. Et quand bien même nous avons ici à faire à de la littérature « générale », il n’empêche qu’Harvey profite quand même de son décorum hors-normes pour produire du « sense of wonder », et pas qu’un peu. Ajoutons à ce beau tableau (on y parle aussi des « Ménines » de Vélasquez, sans mauvais jeu de mots) une profondeur thématique insondable (la vie, la mort, Dieu, la Terre, l’univers, le climat, l’amour, les chiens, et j’en passe) et vous comprendrez que l’on tient un bref mais superbe roman… qui est à peine un roman en fait, tant le récit n’en est pas vraiment un. Une franche réussite en tout cas.
Pour la BD, abordons pour la première fois et pas la dernière les corpus respectifs de Matt Kindt et Matt Lesniewski ; tous deux aussi bien scénaristes que dessinateurs, ils allient ici leurs forces pour nous donner le titre « Crimson Flower », où Kindt officie au scénar’ et Lesniewski aux dessins. Le récit s’attache à une mystérieuse héroîne russe, figure vengeresse qui traque impitoyablement des assassins dans l’espoir de retrouver celui qui a tué son père ; particularité du dit récit : l’héroïne en question, comme le scénariste Matt Kindt, est toute imbibée de contes et de légendes issus du folklore slave, qu’elle utilise comme des armes mentales, en quelque sorte. Mais n’y a-t-il pas un revers à cette médaille ? Kindt patauge ici dans les climats barbouzards comme il les affectionne, mais celui qui impressionne vraiment, c’est Lesniweski, avec son dession à la Robert Crumb testostéroné revu et corrigé à l’aune du comic book contemporain. Impressionnant.
Le tout est présenté dans un écrin musical de premier choix mais bien dark cette semaine (comme souvent, me direz-vous, et vous n’aurez pas tort) : Kevin Martin alias The Bug est revenu à l’automne avec « Machine », album instrumental une fois n’est pas coutume dont est issu « Bodied (Send For The Hearse) » ; le génial Scott Walker écrivait pour son non moins génial « The Drift » le sombre « Jesse », qu’on écoute ce soir en frissonnant ; les brutes anglaises de Pitch Shifter se rappellent à notre bon souvenir avec « Brutal Cancroid », issu de leur premier album, le bien nommé « Industrial » ; enfin, retrouvons pour la première depuis une éternité les rois incontestés du prog-métal Dream Theater, qui reviennent avec le nocturne « Parasomnia », dont est extrait l’épique « The Shadow Man Incident »…!!!
« In the dream I am crawling around on my hands and knees
Smoothing out the prairie
All the dents and the gouges and the winds dying down
I lower my head, press my ear to the prairie »
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