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Critique de Stray Bullets #3

par bulgroz le lun. 18 janv. 2021 Staff

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Personne n'est épargné

Ainsi s’achève Stray Bullets, cette monumentale série de David Lapham souvent comparée à Pulp Fiction (le film est sorti un an avant le premier épisode du comics) et lauréate d'un Eisner en 1996, que Delcourt nous propose en trois tomes d’excellente facture depuis avril 2019.

Stray Bullets, c’est presque 1 500 pages d’histoires toutes plus glauques les unes que les autres. Des histoires incroyables et en même temps tout à fait crédibles, finissant par se rejoindre autour de quelques personnages centraux pour dresser un tableau fascinant du crime quotidien et du vice de l’Amérique des banlieues résidentielles…

Ne connaissant pas du tout cette série, le premier volume m’avait un peu dérouté par sa narration, la chronologie des événements, pas facile à suivre, et les personnages qui apparaissent et disparaissent à tout bout de champ. Il m’avait fallu une bonne centaine de pages avant de prendre mes repères et me familiariser avec sa construction.

Et quand on pense avoir toutes les pièces en main, David Lapham nous emmène dans un épisode psychédélique encore plus déstabilisant que tout le reste !

Ce n’est qu’à la fin du deuxième tome que l’ensemble commence à faire réellement sens et que, l’on réalise pleinement la finesse de l’écriture de Lapham qui parvient à relater des faits parfaitement atroces sans jamais verser dans le scabreux, ni sans pour autant s’interdire des scènes horribles parfaitement explicites, le tout avec une bonne dose d’humour. C’est en partie cet équilibre entre ce qui est suggéré et ce qui est parfaitement clair qui fait la force de Stray Bullets. Le style du dessinateur joue ici un rôle important. La plupart des planches comptent huit cases comme si Lapham voulait nous faire comprendre que le propos, suffisamment violent, ne nécessitait pas d’artifices supplémentaires. Le trait fin et très lisible va lui aussi directement à l’essentiel, le choix du noir et blanc apparaît alors comme une évidence. Je ne peux pas m’empêcher de faire le lien avec Will Eisner, tant dans le style graphique que dans la narration (les courtes histoires de New York Trilogie ou celles de la Trilogie du Bronx par exemple).

La série aurait pu s’arrêter après le deuxième volume, dans lequel les pièces du puzzle s’assemblent et au cours duquel on comprend que de tous les personnages centraux, Virginia est le plus central de tous. Mais le troisième est évidemment absolument nécessaire ! Il commence avec les dix épisodes suivants de la série et se clôt sur les huit chapitres du très bon récit « Killers ».

On est en 1985 et Virginia revient vivre à Baltimore où elle tente tant bien que mal de reprendre une vie normale en réintégrant l’école, notamment. Mais on l’a bien compris depuis le début de la série : une vie « normale », ça n’existe pas ! Et si l’on pensait que les enfants pouvaient représenter un espoir pour le monde à venir, on est vite refroidi : ils égalent assez facilement leurs parents en termes de brutalité, de violence et de sadisme.

La galerie de personnages évoluant dans cette dernière partie est particulièrement savoureuse et si on comprend assez vite que tout le monde est complétement taré, on a du mal à en trouver un qui soit foncièrement mauvais… Évidemment, on aurait tendance à blâmer les parents des enfants en bas âge qui rejouent un massacre puis miment un coït entre leur poupée et G.I Joe… Mais les parents ont l’air tellement paumés que c’est presque impossible. Les seuls personnages qui soient à peu près innocents, gravitant autour de Virginia, se retrouvent assez rapidement confrontés malgré elle à son monde, ses amis et ses expériences passées faites de torture, meurtre et trafics en tout genre.

Le titre, Stray Bullets (balles perdues) ressemble à un avertissement : personne ne peut se tenir à l’écart. Tôt ou tard, on se fait forcément rattraper par le crime, car ici, derrière les portes des pavillons respectables, tout le monde est un criminel en puissance. Et ça, Virginia n’a pas eu d’autres choix que de le comprendre très vite et de se comporter en conséquence : « J’ai une vraie encyclopédie de l’horreur, enfermée à clef dans mon cerveau. Des choses trop horribles pour les dire à des gens civilisés. Ou même à des gens semi-civilisés. Je le garde pour impressionner mes codétenues quand on me mettra en taule ».

En bref

Une série colossale et indispensable pour tout amateur de polar ou de bande-dessinée américaine, tout simplement !

10
Positif

Des personnages excellents

Un dessin d'une grande maîtrise

Une narration super efficace

Un récit (Killers) vraiment excellent

Un album soigné

Negatif

Une première partie parfois inégale

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