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Critique de Clyde fans

par bulgroz le mar. 3 déc. 2019 Staff

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Encore une belle sortie pour la collection Outsider de Delcourt !

Au milieu des années 1990, Seth se promène à Toronto et remarque une boutique de ventilateurs laissée à l’abandon et restée dans son jus. En regardant au travers de la vitre, il aperçoit deux portraits fixés au mur. Lui vint alors l’idée d’une œuvre qui l’occupera par intermittence pendant 20 ans : Clyde fans.

Si l’auteur part d’une entreprise réelle dont il ne change pas le nom, les personnages mis en scène, eux, sont fictifs : Abe et Simon sont les deux fils du fondateur, Clyde Matchcard. Si le premier parvient pendant un temps à reprendre l’entreprise familial grâce à son autorité, son sens des affaires et son talent de vendeur, le second est beaucoup plus sensible. Il préfère s’occuper de leur mère vieillissante et se réfugier dans sa collection de cartes postales. Et quand il s’essaie à la vente c’est pour constater qu’il n’est pas fait pour ça…
Dans tous les cas l'entreprise décline, les deux frères n'ayant pas senti l'air des climatiseurs arriver...

Dans un grand récit en cinq parties, Seth fait parler alternativement les deux personnages, chacun exposant ses angoisses face à la modernité qui vient, leur rapport aux autres et le délitement de leur famille. En filigrane, c’est un portrait nostalgique et suranné du Canada qui est déroulé sous nos yeux. Des thèmes chers à l’auteur qu’il avait déjà eu l’occasion d’aborder avec Georges Sprott, également chez Delcourt.

Clyde Fans est un récit intime et touchant, on est très progressivement invité à partager les souvenirs, les angoisses et les doutes de deux grands solitaires perdus dans une époque qui ne leur correspond pas. Pour cela, pas de psychologie de comptoir ni d’artifices, Seth choisit une approche impressionniste, passant par l’évocation des objets, des noms et des lieux composant les souvenirs d’Abe et Simon. Il parvient ainsi, doucement, à susciter la tristesse et l’empathie du lecteur.

Il est évident que l’auteur éprouve un attachement tout particulier aux années 1950, tant dans les thèmes qu’il choisit de traiter que dans la manière de le faire.

Seth est un virtuose de la bande dessinée !
Son trait, tout en pleins et déliés, est résolument ancré dans les années 50 ; l’économie de couleurs (jamais plus de quatre) combiné à un papier faussement jauni plonge instantanément le lecteur dans la mélancolie… ses personnages, très simples sont par ailleurs très expressifs, ils évoluent dans des intérieurs au design très bien rendu et très documenté. C’est lors des scènes extérieures que Clyde Fans prend une autre dimension ! L’auteur n’est pas avare de larges et doubles pages, prenant un plaisir évident à reproduire les lignes symétriques des vieux bâtiments nord-américains, s’approchant souvent du travail de Chris Ware.

Au-delà du dessin, c’est la composition des planches et son approche de la narration qui m’ont vraiment impressionné…
Ne vous fiez pas au format réduit du livre, certaines pages peuvent contenir jusqu’à 24 cases ! Les plans se succèdent, alternant entre vue subjective, plans larges et zoom sur un détail dans un intérieur sombre. Le tout avec beaucoup de subtilité.

Sans jamais tomber dans la « performance pour la performance », Seth nous livre une masterclass sur la bande dessinée qui, sans être aussi didactique, s’approche sans problème du travail de Scott Mc Cloud dans l’art invisible.

Je ne sais pas à quoi ressemble l’édition originale de Clyde Fans mais il faut saluer ici le travail fait par Delcourt pour la version française. L’éditeur nous livre un magnifique objet : un coffret en carton, de bonne facture et décoré de logos vintage. En sortant le livre de son écrin, on dévoile un joli petit pavé dont la première de couverture percée représente la vitrine du magasin. Ainsi, en ouvrant le livre on entre dans la boutique et l’intimité des frères Matchcard…

Clyde Fans a été pour moi une autre très belle découverte due à l’excellente collection Outsider de Delcourt ! Après la conclusion subsiste l’impression d’avoir lu une œuvre majeure de la bande dessinée, souhaitons lui bonne chance puisqu’elle fait partie de la sélection officielle du festival d’Angoulême 2020 !

En bref

Une magnifique bande dessinée sur la modernité, la famille et la nostalgie. Le tout mis en scène d'une main de maître.

10
Positif

La narration

Les dessins

La colorisation

L'objet

Negatif

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