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Critique de Primo Levi

par Korail le mar. 12 juil. 2022 Staff

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Le témoin

J’ai lu Si c’est un homme de Primo Levi quand j’étais au lycée. Je me souviens avoir beaucoup pleuré. Je l’ai relu quelques années plus tard, je me souviens encore avoir beaucoup pleuré. Je me souviens aussi que je croyais que Primo Levi s’était suicidé et apparemment, ce n’est plus si sûr. Je me souviens de l’avoir admiré d’avoir su vivre longtemps avec ça, et d’avoir compris l’envie de ne plus vivre avec ça. Donc je connais Primo Levi. Et pourtant, j’ai tout de suite eu envie de lire cette version là de Primo Levi, le Primo Levi qu’aurait pu rencontrer l’auteur Matteo Mastragostino dans sa classe quand il était enfant.

Cette BD fait des allers retours entre le témoignage de Primo Levi dans une classe de son ancienne école (cette partie est inventée ou plutôt reconstruite à partir des nombreux témoignages de Primo Levi dans les écoles) et le Lager. Il y a aussi un épisode que je ne connaissais pas, un épisode trouble de son bref passage dans la résistance. Sans doute fondateur d’une érosion de sa foi en l’humanité. Les allers-retours entre les souvenirs et le moment de leur évocation donne un ton peut-être un peu plus léger. En tout cas, ce n’est pas tout à fait la même émotion qui est à l’oeuvre.

Primo Levi livre un témoignage. On a beaucoup écrit sur cette période. Pourtant, il faut dire et redire et encore redire la Shoah. Les questionnements soulevés sont toujours les mêmes : Comment a-t-on pu laisser faire ça ? Pourquoi les gens ne se sont-ils pas défendus ? Comment garder le concept de Dieu après Auschwitz ? ( Hans Jonas a proposé une solution pertinente à mon avis.) Que penser des victimes qui pactisent avec les bourreaux pour vivre un jour de plus ? Et comment vivre après l’enfer, après la déshumanisation ? Le poids des (sur)vivants. Raconter Auschwitz, c’est aussi raconter comment le diable se trouve dans les détails : deux chaussures dures, une trop grande, une trop petite ; un dernier repas avec une double ration pour vous prévenir que vous allez mourir ou un numéro qui vous marque à jamais, pour ne jamais oublier que vous n’êtes rien pour eux. Je crois qu’il faut encore et toujours continuer à raconter ça : la mémoire comme antidote à la reproduction. Il y a un peu tout ça dans cette BD et pourtant la forme (un témoignage dans une classe) la rend accessible, je pense, à de jeunes adolescents. La présence et la réaction des enfants dans cet ouvrage donne d’ailleurs une touche d’espoir.

Il n’y a pas d’héroïsme chez Primo Levi, juste celui du coeur et du hasard. Mais les personnages (puisqu’ainsi contés, ils le deviennent) sont généreux, gardent une belle âme au milieu du désespoir. Ils sont Justes.

Les dessins d'Alessandro Ranghiasci se marient parfaitement avec le scénario. Les couleurs sont celles du passé, le bleu des uniformes de la grande guerre domine. Même les élèves ont plus l’air d’enfants des années 50. Et dans les traits des personnages, émaciés, maigres, osseux, je retrouve ceux des (auto)portraits de Schiele, et j’aime beaucoup. Sur internet, il y a pas mal de photos de Primo Levi souriant, j’aime bien le choix inverse pour la couverture avec Primo Levi âgé, sérieux. Parce que c’est sérieux ce qu’il a à dire (même encore, après sa mort), c’est sérieux, grave et important. Je recommande donc la lecture de cette BD comme nouvelle possibilité de diffusion de son témoignage.

En bref

J’ai tout de suite eu envie de lire cette version là de Primo Levi, le Primo Levi qu’aurait pu rencontrer l’auteur Matteo Mastragostino dans sa classe quand il était enfant. Sur la couverture, on découvre un Primo Levi âgé, droit, sérieux. Parce que c’est sérieux ce qu’il a à dire (même encore, après sa mort), c’est sérieux, grave et important. Je recommande donc la lecture de cette BD comme nouvelle possibilité de diffusion de son témoignage émouvant sur Auschwitz.

8
Positif

très beaux portraits

l’importance du témoignage

Negatif

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