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Critique de Stillwater #2

par Ben-Wawe le sam. 20 mai 2023 Staff

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Une bonne gestion brutale des personnages, dans une intrigue qui fait évoluer le contexte social mais fait un surplace un peu lourd sur la mythologie globale

Delcourt propose le deuxième tome de Stillwater, la série Image Comics de Chip Zdarsky et Ramon K. Pérez. Le premier volume a été édité début 2022, et lançait une saga d'horreur surnaturelle un peu familière mais très efficace (cliquer ici pour la critique).
Les deux auteurs présentaient alors l'étrange ville de Stillwater, aux Etats-Unis, où les gens... ne meurent pas, jamais, et ne se blessent pas non plus ! Tous ceux qui y vivent restent figés dans l'état qui est le leur, les amputations repoussent et la Mort n'est qu'un vieux souvenir.
Le lecteur découvre cela grâce à Daniel, jeune graphiste au caractère bien trempé et amené à Stillwater via une étrange lettre. Il y est accompagné par son ami Tony, assassiné par les autorités locales qui ont formé une tyrannie autour du Juge pour enfermer la ville. Daniel finit cependant par comprendre qu'il est né à Stillwater, mais envoyé à l'extérieur par sa mère Laura. Il décide alors de changer les choses, alors qu'une explosion mystérieuse emporte le QG des autorités...

Le deuxième tome de Stillwater démarre tout de suite après ces événements. Les numéros 7 à 12 poursuivent la saga ainsi entamée, en surfant sur les acquis et en s’appesantissant plus sur les personnages, leurs passés et leurs réactions.
En effet, le scénario de Chip Zdarsky (désormais en vogue comme auteur de Batman et Daredevil) prend la décision surprenante mais directe ici de ne pas creuser le mystère autour de Stillwater. L'on n'entrevoit qu'à la fin un élément qui en rajoute sur la malédiction, qui l'étend et la spécifie, avec des révélations à venir dans le troisième et dernier tome.
Ici, les numéros s'intéressent surtout à l'évolution de la hiérarchie locale. Le Juge a été littéralement soufflé par l'explosion de son quartier-général, et les Marines ramenés par le lâche Ted (qui a sollicité ses anciens copains d'armée pour leur faire bénéficier de la ville) tentent de prendre le contrôle ; sans vraie réussite. C'est un personnage bien surprenant qui s'empare du pouvoir à Stillwater, avec des réformes bienvenues comme la possibilité d'envoyer quelques enfants vieillir à l'extérieur, eux qui ont passé plusieurs décennies au même âge.
Cependant, même ce nouveau régime en apparence plus positif a des versants autoritaires, et Daniel et ses proches entendent s'y opposer... non sans mal. La souffrance, la perte et la violence demeurent des fondamentaux de la vie à Stillwater.

On le comprend, ce deuxième volume de Stillwater poursuit l'orientation très brutale des relations entre personnages, déjà vue dans le premier tome. Très clairement, il n'y a personne de vrai « bon » à Stillwater, même pas Daniel qui est pourtant le plus sympathique mais pas dénué de défauts. Tous ceux qu'il croise finissent par prendre des décisions dures, violentes, souvent pour de bonnes raisons, mais avec des conséquences terribles.
Cela reste une orientation crue, assez légitime vu le sort abominable de ceux coincés à Stillwater depuis si longtemps. La vision d'un bébé resté bébé depuis des décennies est terrible, et laisse à peine envisager l'horreur de sa piètre existence. Chip Zdarsky est ainsi plutôt légitime dans sa brutalité, voire la barbarie de son propos.
Cependant, il faut quand même admettre une petite lassitude face au jeu de massacre, que cela soit dans les blessures et même les morts. A se concentrer autant sur les personnages, sans s'occuper du mystère, on en vient à voir et revoir toujours des passages durs entre les habitants, et cela provoque une petite usure au fil des pages et des morts violentes, presque « habituelles » d'un coup.

D'autant que les changements de régime à Stillwater sont pertinents, mais finissent par devenir presque clichés. Le Juge tombe, les Marines gèrent. Les Marines tombent, un autre gère. Cet autre va avoir des difficultés... cela devient redondant, également, comme le jeu de flashbacks explicatifs un peu mal placés dans le souffle général de la série.
Surtout que l'absence d'élément sur la mythologie est frustrante, tant cela demeure l'un des points d'intérêt véritables de la série.

Enfin, ce n'est pas un tort de la série ni fondamentalement de l'éditeur, qui en fait rarement, mais le fait que Delcourt ne propose pas de résumé du premier tome paru plus d'un an plus tôt gêne le lecteur qui n'a pas relu le début avant ce deuxième volume. Il est un peu difficile de remettre les personnages, et cela participe à un flou général, d'autant que les habitants sont tous plus ou moins massacrés, et impriment peu l'oeil.

Graphiquement, Ramon K. Pérez garde un style personnel et efficace.
Ses personnages ne sont pas beaux en soi, mais il a une approche, une ambiance assez réussies. Les couleurs sont assez pastels, et cela interpelle notamment pour le sang très clair. Mais le graphisme reste une certaine réussite, avec un aspect assez pertinent pour l'atmosphère troublante de Stillwater.
Cela ne forme pas de belles images, mais la narration est dynamique et l'ensemble a du cachet.

En bref

La suite de Stillwater est une bonne gestion de personnages brutaux, perdus dans un cycle de violence qui absorbe tout le monde ose s'approcher de la ville. Cela a du sens en soi, et cela donne quelques pistes de réflexion, mais cela créé aussi une usure face à cet excès de scènes choquantes. La lassitude arrive, tout comme ce focus sur des personnages quasi tous abjects, au détriment du mystère de fond presque entièrement abandonné ici. Dommage, l'ambiance notamment graphique reste prenante, et l'on espère une fin réussie dans le prochain tome.

6
Positif

Une bonne gestion de personnages brutaux et violents.

Une ambiance graphique prenante et réussie.

Un souffle général prenant.

Negatif

La quasi absence d'élément sur le mystère de Stillwater, ce qui est bien frustrant.

La lassitude devant la violence et la brutalité, qui deviennent redondantes.

Quelques maladresses, notamment les changements d'autorité et le placement des flashbacks.

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