Interview Leila Leiz [Paris Fan Festival 2024]

Découvrez notre interview de Leila Leiz réalisée au Paris Fan Festival 2024

 

 

Dernièrement publiée chez DC Comics, Leila Leiz est une auteure de comics française qui a une longue carrière dans les bd de plus de 19 ans ! Connue à la fois pour ses travaux dans les comics mais également pour son compte instagram sur lequel elle partage régulièrement son travail, nous avons pu nous entretenir avec l’artiste (que nous connaissons depuis des années) au Paris Fan Festival 2024 avec laquelle nous avons pu revenir sur plusieurs éléments de sa carrière.

 

Sanctuary (S) : Bonjour Leila, peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Leila Leiz (LL) : Bonjour, Je suis Leila Leiz, je suis une auteure francophone (rires) de BD. J’ai commencé à travailler en France chez Soleil, puis un peu en Italie et maintenant aux Etats-Unis principalement.

S : Justement aujourd’hui tu es classée plutôt comme autrice de comic-book mais tu as commencé avec la franco-belge avec Hadj Moussa: les contes du Djinn, La rupture, Théophilia Werner. Quel bilan tires-tu de cette expérience ? Et pourquoi avoir fait la transition vers les comics ?


LL : En fait, j’ai toujours voulu faire du comic-book. Mais à l’époque, il y a très longtemps (rire), bien avant les réseaux sociaux, c’était super dur de rentrer dans le marché américain. Je suis allée à Chicago une fois pour rencontrer les éditeurs américains mais il fallait aller dans des studios [de dessin] et donc c’était quasi impossible pour moi. J’avais un peu abandonné ce rêve, je l’ai mis de côté, et entre temps, je travaillais dans un studio de jeux vidéo et un collègue m’a dit : “tu sais, en France, on fait aussi de la bande dessinée”.
S : Ah bon ? (Rire)
LL : Oui ! Et donc il m’a présenté Farid Boujelall, qui est le frère de l’éditeur (NB:
Mourad Boudjellal), qui m’avait présenté son histoire. Ça n'avait carrément rien à voir avec ce que je voulais faire… Moi, j’étais dans les Batman, Spider-Man et Image Comics ! Je me retrouve avec quelque chose de complètement différent. Comme j’aime bien les risques, j’ai dit que j’allais le faire, je voulais essayer. L’histoire me touchait aussi personnellement donc j’ai accepté.
De ce que j’en ai tiré de la franco belge, j’ai gardé cette technique de travail, même avec les Etats-Unis, j’adore le travail de recherche sur les personnages, les décors, les costumes…

 

S : Le character design ?
LL : Voilà, j’aime vraiment prendre le temps pour s’imprégner d’un univers. Les américains ne le font pas. Souvent, ils te livrent un scénario et tu as 6 semaines pour terminer le comic-book. Mais en 6 semaines, t’as pas le temps de méditer sur les persos, dire “Catwoman je la vois plutôt comme ça”... même si [au final] j’aime bien aussi cette méthode. Le fait de sortir du travail aussi vite, ça laisse la place à la spontanéité… En fait ce que j’aimerais, c’est de pouvoir tout mélanger !
Maintenant, il y a des éditeurs aux US qui le font. Ils te donnent du travail qui te permet de faire des recherches mais en même temps, ils te mettent un peu de pression.
S: Y’a toujours la deadline en fin de compte.
LL : C’est ça.

S : En parlant de comics, en 2016, tu as travaillé avec Paul Jenkins sur Alters, tu as travaillé sur un personnage transexuel, d’ailleurs je sais que tu as des histoires à ce sujet (rires)...


LL: Oui ! En plus c’était en plein Trump ! Donc euh…
S : Justement, as-tu eu un peu peur de travailler sur ce genre de sujet ? Ou non, t’étais plutôt emballée par ce genre de sujet ?
LL : Non mais en fait je ne savais pas du tout dans quoi je m’embarquais ! J’en avais aucune idée. On m’a proposé ce concept, j’ai dit de suite “super !”. Premier super héros trans, c’est génial ! J’allais m’amuser à le mettre en scène, etc.

 

Tant qu’il n’était pas sorti aux Etats-Unis, je ne me rendais pas compte que le sujet était super épineux là-bas. Et je me suis retrouvée au milieu d’un combat idéologique alors que moi je voulais juste dessiner ! (rires) Non mais c’était une bonne expérience tout de même, mais après ça maintenant, on a souvent tendance à me confier des scénarios toujours un peu…
S : Avec des personnages forts ?
LL : Oui c’est ça !

S : D’ailleurs, tu as beaucoup travaillé avec Marguerite Bennet avec des séries qui ont des personnages forts, comme le fameux “Mom” (avec Emilia Clarke au scénario également) qui propose un personnage féminin fort très axé sur le féminisme, maintenant, tu es limite une figure de prou pour traiter ce genre de sujet !
LL : Oui apparemment (Rires)
S : En travaillant sur “Mom”, as-tu essayé justement de pousser le curseur sur l’iconisation ou pour mettre en valeur le féminisme ou non, tu recherchais plutôt à juste raconter cette histoire telle quelle était ?


LL : Cette fois, j’ai mis un peu de moi dans la série. Je ne me rappelle plus précisément, mais j’ai rajouté des petits trucs qui ont été appréciés. Mais le souci était que j’ai d’abord signé les contrats et les clauses etc. mais le scénario arrivait petit à petit…

S : Ah bon ?
LL : Eh oui ! J’ai eu les premières pages, j’ai adoré, j’ai trouvé ça génial et tout mais le 2ème épisode, je ne l’ai eu qu’après… En fait, je ne savais pas vraiment dans quelle direction allait l’histoire. Et ça, ça me fait tout le temps peur parce que c’est…
S : La peur d’avoir une surprise au dernier moment ?
LL : Oui ! C’est comme Alters, j’ai peur de me retrouver encore dans des affaires [sans le vouloir]. Je pense qu’on va en parler mais j’ai eu le même genre de problème avec Catwoman !

S : Justement, on se connait depuis un moment, je t’avais découverte il y a longtemps sur Instagram et tes magnifiques dessins de Catwoman avec des chats. Et je sais que tu as toujours rêvé de travailler sur Catwoman. Finalement, tu as fini par réaliser une mini-série (NB : Knight Terrors Catwoman). Peux-tu nous expliquer comment tu es arrivée sur ce projet ?


LL : En fait, l’éditrice (de DC Comics) m’avait proposé un autre projet mais à ce moment, j’étais déjà sur un autre projet, je ne me rappelle plus lequel précisément, mais du coup j’ai du décliner. J’étais un peu dégoutée d’ailleurs, je rêvais de travailler chez eux et on m’appelle pour que je dise “je ne suis pas disponible” (Rires).
Mais après elle m’a dit que ce n’était pas grave et qu’elle me recontacterait pour un autre projet. Par contre, j’ai demandé si c’était possible d’avoir du temps [pour réaliser le futur projet]. J’avais envie de faire un one shot, pas d’arriver en plein milieu d’une série. Elle me dit qu’il n’y a pas de souci, mais moi je n’y croyais plus trop. Je pensais qu’elle allait m’oublier… J’ai eu la même histoire avec Marvel dans le passé…
S : Vraiment ?
LL : Oui, ils m’ont contacté pendant que j’étais sur Alters, je leur ai dit que je ne pouvais pas à ce moment, ils ne m’ont plus jamais recontactée. Donc là, [avec DC] je me suis dit bon là c’est foutu…
Mais [l’éditrice] me recontacte, donc c'est génial et en plus, j’avais du temps pour réaliser les épisodes [de la mini-série]... Mais pas vraiment car la scénariste était en retard…
S : (Rires)
LL : Donc du coup, quand j’ai signé les contrats, j’étais contente, j’allais pouvoir faire un super beau livre et m’appliquer.
S : Surtout que ce n’était que 2 numéros.
LL : C’est ça que 2… mais j’attendais le scénario, j’attendais… et je voyais les semaines qui passaient et j’ai eu le scénario en retard. Du coup, j’ai du terminer la mini série super rapidement et ça m’a…
S : Ca t’a épuisé ?
LL : Non… ça m’a dégoûtée !
S : A ce point ?
LL : Parce que je n’ai pas pu travailler comme je voulais, m’appliquer, j’ai dû faire vite. Par contre pour la couverture, j’avais envoyé une illustration super dynamique, j’ai fait quelque chose de super héros, j’étais super frustrée [de ne pas recevoir les scénarios] ! L’artiste frustrée qui avait envie de montrer ! (Rires) Mais l’éditrice me dit : “Non non, on voudrait plutôt quelque chose de sexy.”.
Donc je fais un truc sexy, mais j’avais fait quelque chose d’un peu simple avec le côté de l’église le côté immaculé conception, avec un serpent et Eve, un truc simple.

Une autre illustration de Leila Leiz sur la série

Mais elle me dit : “mais ça serait bien que le serpent accroche les lèvres de Catwoman, qu’il la morde de partout…” (Rires) Ok, bon bah c’est DC, donc je les écoute et je fais la couverture [NB : la couverture publiée]. Mais c’est elle qui me l’a demandé de la faire comme ça…
S : Mais c’est sûrement parce que tu es réputée pour être une artiste qui fait du sexy.
LL : Voilà c’est ça, c’est une étiquette qui me colle alors que dans les comics et en BD, je ne fais pas ça du tout. Je ne sais pas si tu as remarqué.
S : C’est vrai, c’est surtout sur Instagram que tu t’es forgée cette image.
LL : En fait, Instagram c’est pour moi, c’est mon plaisir personnel. Je fais des crayonnés : c’était mes “late night sketch” [NB : Dessin de fin de soirée], c’était pour me détendre. Et ça a bien pris. Mais des fois, j’ai envie de dire qu’il y a des livres qui sont sortis (Rires), pensez à acheter mes livres !
Bref, la couverture sort… et les fans de DC sont très… aux Etats-Unis… La couv n’a pas plus.
S : C’est vrai ? Pourtant elle est superbe.
LL : La couv a plu en Europe mais aux Etats-Unis, c’était du genre : “c’est du hentai” (Rires). Et surtout, ce n’était pas mon choix !
S : Décidément, la malchance te poursuit du début à la fin ! (Rires) Mais attends, ce genre de mauvaise expérience, ça te donne envie d’arrêter de travailler pour DC et Marvel ?
LL : Non non non, Marvel m’a de nouveau proposé un nouveau projet que j’avais envie de faire mais entre temps j’ai encore eu un autre projet que je ne pouvais pas refuser qui n’a rien à voir avec les super héros.

Peut-être verra-t-on Leila sur une série Black Cat un jour !

S : C’est une bonne nouvelle alors, pour finir as-tu un dernier mot pour le public français ?
LL : Tout d’abord, j’aimerais que mes BD soient plus traduites pour permettre au français de les lire parce que je suis presque un fantôme !
S : Tu penses ?
LL : J’ai pas beaucoup de sorties en France, plus en Italie d’ailleurs. Après les livres sont chers en France…
S : Mais après tu es très connue via Instagram, je connais beaucoup de personnes qui te connaissent via tes illustrations sur ton compte.
LL : Oui avec Instagram, tu t’ouvres au monde en fait.
S : Mais même les français te connaissent sur cette plate forme, et tu es très appréciée !
LL : C’est gentil alors j’aimerais être plus traduite pour qu’ils puissent lire mes bds.

S : Merci beaucoup Leila
LL : Merci à toi.

 

Un grand merci au Paris Fan Festival d’avoir permis cet entretien.

Interview réalisée et retranscrite par Blackiruah et ScoobyDam.

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