Nikolavitch Archives : Il y a bien longtemps, dans un Bosphore lointain, très lointain

Un vieil article star de l'ancien SP, l'analyse du légendaire Star Wars Turc !

Il y a déjà bien des lunes que j'ai renoncé à inculquer aux masses les préceptes du vrai, du beau, et du bon. Alex Nikolavitch lui, n'a pas renoncé à vous infliger une certaine forme de "sagesse sarcastique". Il est donc normal que je lui cède la place pour vous présenter l'un des plus beaux films du monde, avec Blade Runner et Les Galettes de Pont-Aven.

Jay W.



L'incroyable Jay Wicky m'a passé Dünyayi Kurtaran Adam , un film daté de 1983, le remake turc de Star Wars, classé en tête des nanars mythiques et invisibles que personne n'a vu ou presque, mais dont tous les connaisseurs ont entendu parler. Pour la peine, je m'en vais polluer son beau forum en vous livrant mes impressions sur la chose.

 

Affiche

En trois mots comme en cent : C'est terrifiant.

Mal filmé comme j'ai rarement vu, mal joué, avec des combats absurdes, des costumes hautement débiles, et une intro avec un long récitatif planant sur un mauvais montage de scènes de combat spatial du vrai Star Wars américain, le film est d'un abord assez difficile et doit se mériter, ne révélant ses charmes qu'à l'explorateur de l'improbable assez résistant pour aller jusqu'au bout. J'ai d'ailleurs failli arrêter au bout d'une demi heure, mais j'ai résisté et bien m'en a pris : il y avait juste après une scène merveilleuse où les héros s'entrainent façon film de kung fu masochiste, juste après un combat contre des momies des cavernes, et ça m'a mis du baume au coeur (oui, je suis un grand pervers).


Sboing

Sboïng 



De temps en temps, le réalisateur intercale des passages de vaisseaux spatiaux du vrai Star Wars, ou des plans de stormtroopers canardant, ou de techniciens de l'Etoile Noire appuyant sur leurs manettes, mais un peu au petit bonheur la chance, et un peu à la Ed Wood (genre on repasse trois fois le même plan, dont une à l'envers, d'ailleurs le Millenium Falcon vole à l'envers la moitié du temps, et le transfert pas toujours homothétique des morceaux de Star Wars donne souvent aux X Wing un aspect applati qui évoque le Super Deformed). Notons que, si je comprends bien la grammaire cinématographique particulièrement déficiente de cet hallucinant morceau de pellicule, les X Wing et le Falcon semblent être les vaisseaux des méchants, et les héros pilotent des chasseurs TIE avant de se crasher comme des merdes sur une planète désolée.




Xwing
oui oui, vous avez bien vu, en arrière plan
y'a bien l'incruste du cul d'un X Wing 

 

Notons aussi au passage que des décors insolites et grandioses semblent repiqués sur un documentaire de l'office de tourisme égyptien. La bande son est (forcément, me direz vous) à l'avenant, avec une nette préférence pour le repiquage de la BO d'Indiana Jones et de celle de sentaïs japonais, voire à un moment donné un truc qui sort de Cosmos 1999, ou peut-être du Prisonnier.

Et il y a une scène de cantina ! ils l'ont fait ! 

Deux très courts plans extraits de la vraie cantina de Star Wars, le reste tourné avec ces acteurs du cru portant des masques de démons folkloriques. C'est absolument superbe. Et ils se font une scène de kung fu, toujours dans la cantina, avec un méchant portant un masque de caoutchouc représentant un chinois d'opérette, genre sale face de citron de film de propagande des années 40, avec la natte et tout et tout, mais en caoutchouc bombé en jaune. C'est absolument merveilleux.




Iaaaaa !
Brüçe Lee n'a qu'à bien se tenir. 




Les héros sont capturés, trainés devant le méchant qui téléporte dans son repère la petite villageoise blonde à forte poitrine et le gosse que les héros ont réussi à secourir (le reste du village troglodyte a été exterminé par les gardes du méchant, puis par les momies des cavernes, puis par un truc trop improbable pour que j'essaie même de le décrire, le tout malgré les efforts des héros, c'est pour ça qu'ils passent ensuite dix minutes à s'entraîner à casser les montagnes à coups de tête).

Notons que, dans les pitoyables scènes de massacres par les gardes des méchants, les femmes et les enfants innocents ne sont pas épargnés, ce qui est très bien, avec une complaisance extraordinaire pour les plans de gamins ensanglantés répandus ici et là, avec un style qui évoque les films de cannibales italiens de la même époque (j'ai jadis écrit un article sur le sujet, s'il le faut, je le reposterai).



Vadoruc

On a les Dark Vador qu'on mérite. 



Donc, les héros sont capturés par le méchant, un potentat planétaire à mi chemin entre Ming et Dark Vador, affublé d'un sbire à moustache et bandeau disco et d'un robot décalqué sur le Robbie de Planète Interdite, mais bleu et nanti d'un gyrophare.



Meuh
Et on voudrait laisser entrer dans l'Europe des gens capables de ça ?
Bon, c'est vrai, on a laissé entrer les Italiens, qui ont Aldo Maccione, eux. 



Au passage, je ne comprends pas totalement la symbolique attachée à la cervelle verte que tend le méchant au héros, dans un coffret de bois. Le fait de ne rien comprendre aux dialogues (c'est en turc et sans sous titres) n'aide pas beaucoup. La cervelle verte revient en deux trois endroits du film, ça a l'air important, mais bon.

Après avoir vaincu une sorte de wookie rouge et griffu en lui arrachant les bras et en les lui plantant dans le bide (il est soft, au début, après il leur arrache la tête à coups de poings, dans le combat final), le héros attrape avec les dents l'épée d'un adversaire et la casse avec ses coudes, toujours sur le grand air d'Indiana Jones. C'est de l'action pure comme on l'aime, avec un zeste de film de cape et d'épée Bollywood bienvenu.

Pendant ce temps, le copain du héros essaie de draguer une princesse locale, probablement la copine du méchant (un méchant qui a un superpouvoir étonnant : il peut téléporter le masque facial de son casque pour se protéger quand il devient encore plus méchant). Le méchant prends assez mal la chose et la transforme en petite vieille, puis en tarentule.

 



Cuneyt

Cüneyt, c'est le plus bô




Á ce stade, il convient d'en dire un peu plus sur nos héros : contre toute attente, ils ne ressemblent pas tellement à Luke Skywalker et Han Solo, mais beaucoup plus à Apollo et Starbuck, dans Galactica, mais en version turque, avec un peu de kilométrage pour le héros. qui joue comme une patate, mais essaie d'avoir l'air bravache face au méchant. Il faut dire que le héros est joué par Cüneyt Arkin, (accessoirement scénariste du film), un croisement étonnant issu des amours coupables entre Alain Delon et Steven Seagal. C'est un dieu vivant, non pas au Japon, mais en Turquie, où il a joué dans près de 300 films, avec une préférence marquée pour les héros de cape et d'épées dans le style Le Cavalier Blanc (les lecteurs de Lucky Luke verront exactement ce que je veux dire).

Comme les héros étaient même pas morts après avoir été enterrés vivants, le méchant les donne en pâture à un monstre genre wookie, mais avec des griffes en... je sais pas, papier à serpentin, peut-être. Le héros, grâce à son entrainement kung fu intensif, à appris à sauter à peu près comme un héros de San Ku kaï (je soupçonne Cüneyt Arkin d'avoir été champion de trampoline dans une vie antérieure). manque de bol, il passe son temps à passer au dessus du monstre en faisant des sauts périlleux sans porter aucun coup. une stratégie qui doit viser, j'imagine, à démoraliser le streum, avant de le prendre par surprise en réussissant son saut à l'improviste pour lui atterrir sur la tête.




Hero's teeth
les héros n'ont pas froid aux dents



Petit détail technique : le montage est mauvais, bardé de faux raccords, mais il devient carrément hystérique quand il faut dramatiser l'action, genre coup de théâtre dans une scène de combat, ou tir de lasers sur lesquels on veut éviter de montrer le rayon parce que les effets spéciaux sont tellement pourris que là, même le réal s'en rend compte... Il faut dire que les lasers semblent produits à grands coups de lame de rasoir sur la pellicule, ou de bic sur le négatif, une astuce créative et peu onéreuse.




Excalibur

c'est elle : Exçalibürüç 


La suite est évidente. Sous l'impulsion d'un vieux barbu local, le héros récupère une épée magique barbelée, sauve son copain de la séance de torture à laquelle le soumettait le méchant, voit le petit vieux mourir, puis son copain mourir dans ses bras malgré ses paroles réconfortantes, fait fondre l'épée magique, trempe les mains dans le métal fondu, et les ressort gantées d'or, ce qui lui donne le pouvoir de casser la gueule à tous les méchants.




Achtung

Fais gaffe, p'tit con, tu vas te blesser, si ça continue.




Pendant la bataille rangée qui s'ensuit, les forces spatiales bombardent la planète (insérez ici des plans de la bataille de l'Etoile Noire), les constructions s'écroulent (insérez ici des plans d'un peplum catastrophe italien genre Sodome et Gomorhe), le héros coupe le méchant en deux à coups de poings et plante là la veuve ennamourée et l'orphelin bavant de reconnaissance pour aller piquer le Millenium Falcon et repartir dans les étoiles pour de nouvelles aventures.

Quel dommage que j'entrave que couic aux dialogues, quand même, y'a un certain nombre de subtilités qui m'ont échappé, du coup. Comme la raison pour laquelle le vieux barbu explique le coup de l'épée magique dans une mosquée (insérez des plans des versets du Coran sur les murs) et pourquoi l'épée magique est cachée dans une basilique byzantine en ruine (qui s'avère être troglodyte, grâce à une formidable astuce de montage) (insérez ici des plans de mosaïque lépreuses représentant le Christ et ses saints).

En tout cas, il faut avoir vu ça au moins une fois dans sa vie. C'est un monument du septième art, à peu près du niveau de Plan 9 from Outer Space.





un dernier

allez, un petit dernier pour la route 


encore plus dernier
et puis encore un, tiens, c'est vraiment trop bon 

 

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