Interview Olivier Coipel [Paris Fan Festival 2023]

Découvrez l'interview d'Olivier Coipel réalisée au Paris Fan Festival 2023

 

Doit-on encore présenter Olivier Coipel aujourd'hui ? Ayant commencé chez DC Comics dans les années 2000, Olivier Coipel a très rapidement monté les échelons pour devenir une superstar des comics à travers ses nombreuses oeuvres chez Marvel (House Of M, Thor, Siege, AVX, etc.). C'est en 2018 que l'artiste signera sa première oeuvre indé, Magic Order, avec Mark Millar dont il ne réalisera que la première série. Principalement présent en tant que cover artist aujourd'hui, nous avons eu la chance de le rencontrer à la Paris Fan Festival pour réaliser cette interview très intéressante : bonne lecture !

 

Sanctuary (S) : Bonjour Olivier Coipel, peux-tu d’abord te présenter pour le site ?

Olivier Coipel (OC) : Bonjour, Olivier Coipel, je suis dessinateur de comics, parisien et dessinateur depuis 20 ans à peu près. J’ai commencé chez DC Comics sur la légion des super-héros, puis je suis parti chez Marvel avec les Avengers, House of M, les X-Men, Thor, Spider-Man… Voila tout ce beau monde, puis je suis retourné chez DC Comics pour faire du Batman et y’a Netflix évidemment. 

La première apparition de l'artiste chez DC !

S : Tu es pour moi une exception française, tu sors de la prestigieuse école des gobelins, qui regorgent d'énormes talents, pourtant t’es l’un des seuls à devenir une superstar de la BD, pourquoi t’es-tu dirigé vers ce médium ? et encore plus les comics ?

OC : Eh bien, j’ai grandi avec les comics et pas avec la franco-belge. Enfin, quand j’étais petit, il y avait Astérix et Obélix, Boule & Bill et Moebius forcément, mais après j’ai découvert les comics et c’est ce que je lisais quand j’étais ado. Donc pour moi c’était une évidence, c’est ça que je voulais faire en tout cas. Les Gobelins, c’était un heureux accident.

S :Ah bon ?

OC : L’animation, ce n’était pas du tout mon but. Je ne la connaissais pas à vrai dire… Je pensais que les Gobelins étaient une école de dessin. Donc j’ai passé les concours mais je pensais vraiment que j’allais apprendre le dessin, tout ça. Mais c’était plutôt de l’animation… Ca m’a plu aussi en même temps.. mais c’est quand je suis parti aux Etats Unis pour le travail que j’ai redécouvert les comics. Je les avais un peu mis de côté, enfin… j’en lisais toujours un peu mais quand je suis parti là-bas, je me suis replongé dedans. Et là, j’ai entendu parler des comic con, et c’est comme ça que petit à petit, de fil en aiguille, je me suis dit “tiens je vais montrer mon portfolio pour faire des comics”, et je suis rentré comme ça, tu vois ? Et quand j’ai été pris, j’ai arrêté l’animation.

S : Ca parait naturel.

OC : Oui ça s’est vraiment fait de fil en aiguille, les comics j’adorais ça quand j’étais gamin et je rêvais d’en faire mais je n’avais pas un plan en tête. Je ne savais même pas comment faire pour aller travailler aux Etats Unis !

S : Effectivement.

OC : C’est l’animation qui m’a amené à ça en fait !

 

S : Justement, aujourd’hui on peut dire que t’es une des plus grosses superstars des comics, et pourtant aujourd'hui on te voit principalement sur des covers. Sur quoi prends-tu le plus de plaisir ? Intérieur ou Couverture ? J’en ai parlé dernièrement avec Artgerm qui lui ne prenait du plaisir que sur les couvertures.

OC : Ah, je préfère les intérieurs quand même… mais c’est tellement… je comprends parce que je parlais avec des dessinateurs qui font que des couvertures maintenant… Quand tu commences, t’es jeune, t’es célibataire plein d’énergie, t’es prêt à élever énormenet le rythme pour faire les pages intérieurs, ce qu’il fait que tu en viens à travailler le nuit, le week end, tu travailles tout le temps, tout le temps, tu vois ?

S : Tout à fait

OC : Et avec la vie, tu vieillis, tu as une famille, des enfants… au bout d’un moment, tu ne peux plus donner autant à ce travail, tu as des trucs à gérer. Donc c’est pour ça que je suis allé petit à petit vers les couvertures. C’est un autre plaisir.

   

J’aime beaucoup faire des couvertures et c’est moins fastidieux que de faire des intérieurs.

S : Oui c’est faire une illustration en fin de compte

OC : Oui c’est ça, tu fais un joli dessin ,tu réfléchis à la compo et puis c’est fini, y’a moins de pression. 

S : C’est ce que nous disait Artgerm d’ailleurs, qui nous expliquait que son plaisir était de faire une illustration qui donnait envie d’acheter mais pas plus : il ne souhaite pas particulièrement faire des intérieurs.

OC : C’est plus fastidieux les intérieurs mais c’est ce que je préfère quand même. Du moins, j’ai du plaisir dans les deux, mais tu t’impliques beaucoup plus [avec les intérieurs]. Tu réfléchis à tout dans ce cas, la compo, [le placement] des textes, les décors et les personnages aussi. Il faut leur donner une attitude et le design des vêtements qu’ils portent et comment tu vas raconter l’histoire. Enfin bon, il y a énormément de questions que tu te poses que tu ne fais pas sur une couverture.

Une fois que t’as fait une couverture, c’est derrière, alors que quand tu fais les intérieurs, chaque page est un combat. C’est comme ça que je le prends. J’aime bien dire que dans chaque page [que je réalise], il y a mon sang. Dans chaque page, tu passes énormément de temps dessus.

S : Et une de tes particularités, c’est aussi de faire des découpages qui sortent de l’ordinaire. On sent que tu cherches à être original et à surprendre.

OC : Oui c’est ça, à l’époque en tout cas. En fait, une fois que je lisais le script, je faisais un premier jet, un premier découpage. Et de suite, je partais du principe que ce n’était pas le bon. C’était des évidences : eh bien il ne fallait pas être évident. 

Donc une fois que j’avais cette base, je réfléchissais pour proposer quelque chose de plus intéressant à faire et à dessiner. Mais il faut toujours garder en tête… Mais ça c’est l’expérience qui parle : parfois tu rentres dans des trucs compliqués et tu te dis qu’il faut le faire mais tu oublies qu’il faut aussi qu’il y ait du plaisir à le réaliser. Et parfois, t’es bloqué sur une page, tu ne sais pas pourquoi et ça te met dans une dynamique négative où ce qui va arriver derrière ne sera pas bon non plus.

Et en fait, tu te rends compte que c’est dès le début de la conception de page que tu dois éviter ça, c’est à dire qu’il faut trouver le plaisir à faire cette page là. Ne t’engage pas dans quelque chose qui peut être super compliqué à faire, qui peut être super intéressant à faire mais qui, quelque part, ne te parle pas. Et là, après être parti sur ta page : tu seras bloqué. Dans ce cas, il faut revenir en arrière et retravailler le concept pour que le flow revienne, pour retravailler dans le positif, enchaîner les pages et être content quand même.

 

S : Justement après Marvel / DC, tu as travaillé sur Magic Order, comment c’était de travailler avec Mark Millar ? Était-ce grisant de créer de nouveaux designs et un nouvel univers ?

OC : Alors non, j’ai créé quelques designs mais quand je suis arrivé chez Netflix, ils avaient déjà leurs bibliothèques.

S : Ah bon ? Il y avait déjà une base de données sur l’univers ?

OC : Oui oui et moi j’ai redesigné certains personnages comme la méchante Madame Albany, celle avec le masque.

S : Ah donc tu avais bien fait ce design ?

OC : Ah oui ! Si je te montre le concept de base, on aurait dit fantomette ! Je me suis dit que je ne pouvais pas dessiner ça, c’était pas possible ! (Rires) En général, je suis plutôt bon élève, si on me donne des choses, je vais les suivre. Mais là c’était vraiment pas possible, fallait que je trouve un autre moyen pour mettre en valeur le personnage. Et puis les autres je les ai aussi adaptés à ma façon aussi, pour que ça me parle aussi.  

S: Mais du coup, ce que Netflix avait envoyé de base, c’était une sorte de cahier des charges ?

OC : Ce n’était pas vraiment un cahier des charges, c’était pas si carré que ça. Mais visiblement, ils avaient déjà une équipe de dessinateurs différents. C'est-à-dire que quand je découvrais les concepts de personnages, j’avais l’impression de voir des dessins de plusieurs artistes.

S : Je vois.

OC : Je ne connaissais pas leur identité, mais ça permettait au moins d’avoir une vision sur le personnage et après derrière, tu rebondis là-dessus.

S: Mais du coup, si on comprend bien, Magic Order ce n’est pas du creator Owned ?

OC : Non non ce n’est pas du creator Owned !

S: Ah ! Ce qui explique pourquoi tu n’as pas fait la suite !

OC : Voila ! Mais t’étais au courant quand même ?

S: Pas tout à fait, j’étais persuadé que Netflix avait racheté les droits après.

OC : (Rires) Non non, en fait ça faisait longtemps que je voulais bosser avec Mark Millar, on se parlait mais entre temps, j’étais toujours sur le contrat exclusif avec Marvel et donc je ne pouvais pas être avec lui. Et donc, on discutait pour un projet en 50/50 [de possession sur les droits] mais entretemps, il avait vendu les droits à Netflix.

Il m’a quand même proposé si je voulais toujours bosser avec lui, ça ne sera pas le même deal puisqu’il a vendu [la série]. Mais bon je voulais travailler avec lui, donc je l’ai fait.

Et ça m’a plu, vraiment j’ai adoré ! Parce que c'est là où je me suis le plus investi dans une BD. Même si les personnages existaient déjà, je les ai faits miens.

Ce serait intéressant que je poste les originaux d’ailleurs.

S : C’est clair !

OC : Mais je ne sais pas si j’ai le droit en même temps. (rires) Mais j’ai apporté mes évolutions qui sont restées derrière.

S : D’ailleurs qu’est ce que ça te fait de voir justement ces personnages adaptés à ta sauce repris par les auteurs suivants ?

OC : Je ne regarde pas ce qui se fait derrière, on m’envoie des  trucs, mais je ne regarde pas. 

S : Pourquoi ? C’est parce qu’ils sont comme tes enfants ?

OC : Parce que ce n'est pas du 50/50, donc ils ne m’appartiennent pas ces personnages. Mais je me suis trop impliqué dessus….

C’est pour ça que j’ai arrêté. Ça ne servait à rien que je m’investisse autant dedans puisqu’ils ne m’appartiennent pas en fait. D’ailleurs, ce n’est pas mes bébés au final.

Mais j’ai adoré l’expérience, travailler avec Mark… mais mettre autant d’énergie dans une œuvre qui ne m’appartient pas… Ça ne sert à rien.

 

S : En parlant de ce sujet, Magic Order 4 est repris par Dike Ruan que je considère comme un artiste qui s’est fortement inspiré de ton style, un bébé Coipel.

OC : Il est là ! Il faut lui demander ! (rires)


S : Mais justement j’ai l’impression que tu as créé tout un courant de dessinateurs, partage-tu cette impression ? Et, pour aller plus loin, aurais-tu envie de devenir professeur ?

OC : Je ne sais pas si j’ai créé un courant vu que je ne regarde pas… En plus, les comics, j’en lis de moins en moins, je regarde vraiment un peu de loin. Donc je ne sais pas du tout…

S : Ah mais je te confirme !

OC : Ah mais c’est flatteur mais à la rigueur, les comics, ça a toujours été ça. C’est pas du tout comme la BD Franco Belge. Aux Etats-Unis, c’est assumé, tu as toujours des bébés de quelqu’un qui ensuite deviennent eux-même. Avec les histoires de super-héros, y’a cette tradition assumée. A l'époque, les artistes arrivaient jeunes… moins maintenant… mais ils ont eu le temps de se former avec d’autres dessinateurs qui ont été leurs modèles et après ils ont trouvé leur voie. Donc c’est normal d’inspirer, c’est pas nouveau.

S : Et pas de souhait de devenir professeur ?

OC : Je ne sais pas. Honnêtement, j’adore faire des portfolios reviews mais j’ai pas la méthode, pas la pédagogie. Tu vois, j’adore parler avec les gens, individuellement, passer des heures sur un portfolio mais je ne suis pas à l’aise pour parler de ça.

Être prof, j’aime bien l’idée, mais je pense que je ne suis pas assez patient…

S : Il suffirait de te cadrer ?

OC : Oui c’est ça mais déjà qu’avec mes enfants je ne suis pas du tout patient alors avec des élèves…Mais en tout cas, j’aime l’idée de transmettre quelque chose. Aider la personne à trouver sa voie ou à s’améliorer, j’aime bien ça, participer à ça ou accélérer les choses, j’adorerais faire ça. 

S: Pour conclure, as-tu un dernier mot pour ton public français ?

OC : Batman arrive !

?

S : Merci beaucoup Olivier, c’était très intéressant !

OC : Merci à vous

 

Un grand merci au Paris Fan Festival d’avoir permis cet entretien.

Interview réalisée et retranscrite par Blackiruah, Vialette et ScoobyDam.

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