Une ligne blanche très poétique

LIFE, récemment sorti chez Taïfu ne m’emballait pas spécialement, ni via sa couverture, ni via son résumé très succinct. Le début ne fut pas plus convaincant et j’ai craint perdre mon temps. Mais, ce ne fut qu’un mauvais départ car rapidement je me suis accrochée à ITÔ et NISHI, deux garçons qui aiment marcher sur des lignes, ainsi qu’à leur histoire qui s’écoule très vite dans le temps.

Il est toujours très difficile de résumer des sentiments ou une rencontre en un seul tome, surtout dans un yaoi où l’auteur doit garder des cases pour dessiner les galipettes libidineuses du couple. D’ailleurs, le premier chapitre est l’exemple type de ce que je n’aime pas. Une rencontre précipitée et des sentiments qui s’expriment trop vite, on a ni le temps de ressentir, ni le temps d’y croire. Heureusement, MIYA TOKOKURA a eu l’idée très poétique de nous montrer la vie entière de ces deux êtres réunis par une ligne presque imaginaire, jusqu’au moment où le ciel décide qu’il est temps de fermer les yeux pour toujours. Ainsi, on voit grandir ITÔ et NISHI quand on les a connus à 17 ans. On les voit vieillir, rider, douter, se tromper, regretter, recommencer et s’aimer. Chaque titre de chapitre marque leur âge : 17, 19, puis 21, 31, etc… A un moment, je me suis amusée à ne regarder que les images sans lire les bulles remplies de mots bateau et il s’avère que la construction aurait permis un livre d’images vierge de texte. Tel un film muet, les émotions sont mieux retranscrites dans les actes et le faciès des personnages, rendant le tout plus poétique aussi.

Concernant la personnalité des deux amoureux, j’ai apprécié que celui qui pensait aimer le plus et le premier soit celui qui par la suite a le comportement le plus puéril des deux. ITÔ nous apparaît plus mûr et réfléchi sur les premières pages, plus sérieux et fiable que NISHI qui a le sourire d’un enfant qui refuse de grandir. Pourtant, c’est NISHI qui ne faillit pas, qui reste droit et fidèle à son premier amour. L’unique amour de sa vie. Il est plus courageux et n’a pas peur des qu’en dira-t-ton ! Il est aussi le plus innocent, le plus tendre et celui qui nous émeut le plus finalement. L’histoire commence avec lui et se termine avec lui.

Le style quant à lui est agréable, même si ce n’est pas la révolution. On distingue précisément les transformations morphologiques des personnages. Les visages perdent de leur rondeur pour devenir plus anguleux et adulte, le buste se développe, les cheveux, le style vestimentaire… même les yeux changent. C’est un vrai témoignage du temps qui passe, sans oublier le rappel permanent de ligne commune entre les deux. Cette ligne qui n’était qu’un jeu d’enfant au départ se mue en un fil du destin qui selon les événements peut se rompre ou étinceler comme une étoile filante.

Il y a de la délicatesse et je l’ai déjà dit, de la poésie dans LIFE et c’est à mon humble avis ce qui fait sa force. Le scénario ne défie pas par son originalité les autres yaoi du moment, pour autant il se place dans le peloton de tête car il essaie vraiment de nous raconter une histoire. Sans tomber trop dans la caricature du genre, ou la vulgarité. L’autrice met du sexe pour satisfaire les fans mais honnêtement c’était dispensable. Cela n’apporte pas grand-chose à la relation du couple mais bon cela reste raisonnable alors je lui pardonne. Surtout que je lui donne un bon point pour avoir dessiné le préservatif qu’utilise les deux hommes même après plusieurs années de vie commune. La protection est bien trop disparate dans les yaoi quand l’époque nous prouve tous les jours qu’il faut sensibiliser les jeunes qui ont tendance à l’oublier pour eux-mêmes.