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Critique de Berlin #3

par bulgroz le mar. 24 sept. 2019 Staff

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Berlin T. 3 : Ville lumière

Il aura fallu presque vingt ans (dans la version originale) à Jason Lutes pour compléter cette fresque historique de la capitale allemande.

Vingt ans de recherches, de documentation, et de dessins minutieux rendant extraordinairement sensible le quotidien des Berlinois, le bouillonnement culturel des Années folles puis la dépression de 1929 conduisant la République de Weimar à l’effondrement et avec elle, le monde vers la guerre.

Dans les deux premiers tomes, l’Histoire forme un arrière-plan permettant aux histoires de se détacher. A la manière des impressionnistes, Jason Lutes présente une multitude de personnages de différentes extractions sociales qui se croisent (ou pas) dans une ville que l’on devine immense et qui prend vie peu à peu jusqu’à devenir un être à part entière. Le titre, Berlin, est en ce sens explicite.

Dans ce dernier opus, l’Histoire s’accélère et les parcours personnels se trouvent radicalement perturbés : les nazis ont indubitablement gagné du terrain, les communistes sont sur la défensive et les premières vitrines sont peintes du mot « juif ».
Les personnages que nous accompagnons depuis dix ans (dans la version française) prennent parti, meurent ou s’enfuient, c’est la guerre qui s’annonce.

Berlin n’est pas une BD sur la deuxième Guerre mondiale, c’est en partie un livre sur la montée du nazisme mais c’est surtout un hommage à la Ville, à celles et ceux qui la peuplent et qui se trouvent prisonniers, dépossédés des moyens d’agir sur leur destin. La République mise en place après la défaite de 1918 est un système bourgeois qui ne résoudra aucun des problèmes sociaux auxquels sont confrontés les Allemands et les populations immigrées qui habitent le pays. Pire ! C’est cette même République qui permet l’accession au pouvoir d’Hitler en ayant réduit l’essentiel de la population à l’état de misère et en permettant que des boucs-émissaires soit trouvés plus rapidement que les solutions pour mieux répartir les richesses.

Je ne suis pas de ceux qui voient des parallèles historiques à chaque coin de rue. Je ne pense pas que l’on puisse raisonnablement penser que « l’Europe revit les années 30 ». C’est un raccourci trop facile, le monde a changé : la conscience de classe n’est plus ce qu’elle était, les forces institutionnelles de gauche peinent à s’opposer à l’extrême droite qui progresse un peu partout et nous fonctionnons dans un système bien plus globalisé que dans la première moitié du XXe siècle…

On aurait toutefois tort de ne pas sentir la mise en garde de Lutes concernant la montée progressive des discours autoritaires, la défiance envers les républiques qui ne permettent toujours pas de réduire les inégalités et la recherche de l’homme providentiel derrière lequel se ranger.

Berlin est une trilogie nécessaire à toute personne s’intéressant à l’histoire. Qu’elle soit militaire, politique, sociale ou culturelle. C’est aussi une magnifique série de bandes dessinées à la ligne claire et moderne.

C’est un travail de dingue qui se clôt sur le troisième tome et sur l’irrésistible ascension d’Hitler, ou d’Arturo Ui, comme vous voulez, le résultat est le même : « Le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde ».

En bref

Sans doute une des meilleures séries du catalogue Delcourt dans la collection Outsider

10
Positif

La conclusion d'une magnifique série

De superbes dessins

Une narration toujours aussi délicate mais qui s'accélère

Un travail historique et social impressionnant

Negatif

keine !

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