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Critique de Vann Nath : Le peintre des Khmers rouges

par ginevra le mer. 11 nov. 2020 Staff

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Un livre pour honorer le devoir de mémoire des victimes des khmers rouges.

Cette biographie du peintre cambodgien Vann Nath permet de (re) découvrir les horreurs perpétrées par le régime des khmers rouges entre 1975 et 1979. Les livres d'Histoire évoquent 20% de la population initiale ayant disparus sous ce régime dictatorial soit entre 1 et 2 millions de personnes. Les villes ont été vidées de leurs occupants qui ont été envoyés "travailler" dans les campagnes. Il ne faisait pas bon être un "intellectuel" à cette période : de nombreuses personnes ayant fait des études ou en train d'en faire ont été déportées, parfois internées et torturées sous des prétextes fallacieux. Pour certains khmers rouges illettrés, le simple fait de porter des lunettes faisait soupçonner la présence d'un intellectuel!!

Vann Nath a beaucoup souffert et a du se reconstruire patiemment. Après avoir subi des séances de torture dont il n'a pas compris les raisons, il a eu la chance que ses peintures d'après photographies aient été qualifiées d'acceptables par le "frère" Duch, Il a continué à peindre jusqu'à sa libération en 1979. Puis, il a choisi de peindre ses souvenirs et les descriptions d'autres prisonniers pour rendre justice à tous ceux qui sont morts pour des raisons souvent incompréhensibles. Dans le livre, un prisonnier dit à Vann Nath : "cela fait partie de la doctrine révolutionnaire, il vaut mieux tuer par erreur que de laisser en vie par erreur". Puis il témoigne au procès du "frère" Duch pour tous ceux qui ne sont plus là pour le faire. Ses peintures sont exposées dans le musée du génocide Tuol Sleng.

Le scénariste Matteo Mastragostino a sans doute oscillé entre récits tirés du livre écrit par Vann Nath lui-même et peut-être a-t-il ajouté certains détails pour créer certaines scènes particulièrement saisissantes dont la lecture ne laisse pas totalement intact le lecteur. À part le témoignage de Vann Nath, il y a la confession de Duch à son procès et la confession d'un ancien gardien a faite au peintre dans Tuol Sleng. De quoi se rappeler qu'un bourreau sommeille sans doute en chacun de nous si quelqu'un arrive à nous manipuler comme il le veut.

Les dessins de Paolo Castaldi sont sobres comme il se doit pour illustrer un récit souvent horrible. Les personnages sont souvent un peu flous et le refus de leur faire des contours précis est sûrement voulu. De même il a choisi une colorisation claire comme si les couleurs avaient été effacées ou comme si tout l'album avait été peint avec de la suie comme le premier tableau du prisonnier avec juste quelques touches de couleurs pâles ajoutées de ci, de là.

Ce livre m'a particulièrement touchée parce que j'ai connu un étudiant cambodgien, pendant mes études à Marseille entre 1977 et 1980, et que je n'ai jamais oublié ce qu'il m'avait dit à ce moment : "Je suis encore en vie parce que j'étais en France. Si j'avais été au Cambodge, je serais sans doute mort. J'ignore si un seul membre de ma famille est encore en vie." Il est retourné au Cambodge et j'ai perdu tout contact avec lui, mais j'espère qu'il a pu retrouver vivants des gens qu'il aimait.

Un livre important pour que tous les témoignages d'horreurs commises envers de pauvres gens innocents de par le monde entier ne soient jamais oubliés et surtout jamais niés.

En bref

Un livre dont on ne sort pas totalement intact et qui mérite d'être diffusé très largement pour que tous ceux qui nient que ce genre d'horreurs puisse exister soient confrontés à la réalité. Merci aux auteurs et à l'éditeur pour cette publication salutaire.)

8
Positif

Un témoignage fort et poignant

des dessins dont la douceur permet de supporter les horreurs montrées.

Negatif

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