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Critique de Poppoya / Love Letter

par Celes-Kalk le jeu. 30 déc. 2010

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Ce titre, dessiné par NAGAYASU Takumi (mother sarah), sur un scénario original d'ASADA Jirô est en fait l'adaptation en BD de la nouvelle (1997) de ce dernier. Ce manga comporte ainsi 2 histoires totalement indépendantes, regroupées l'une à la suite de l'autre, mais qui ont pour point commun de verser dans le registre de l'émotion la plus travaillée. La première nouvelle, "le cheminot" nous parle d'un homme, Otomatsu (Oto), chef de gare d'une station reculée de l'île d'Hokkaido (nord du japon) qui va bientôt voir disparaître la ligne où il s'est investi pendant toute sa vie, coïncidant avec sa retraite et de même avec la disparition de l'autorail dépassé (le KH12), qui assurait les liaisons entre les cités minières maintenant abandonnées. Bientôt la nouvelle année, et l'ami d'Oto, senji (chef de station) vient passer cette soirée avec son compagnon de jeunesse, qui l'accueille avec ses automatismes habituels sur le quai de la gare. Ils se remémorent leur jeunesse, quelle fascination a exercé ce train, cette ligne, sur leur vie et sur le destin, et quels sacrifices aussi Oto a pu donner pour cela, quelle abnégation pour son travail il a toujours eu, allant jusqu'à lui donner priorité sur sa famille, et ravalant les ressentiments de faits tragiques de son passé. En effet, sa petite fille yukiko est morte en très bas âge, et il est arrivé trop tard pour constater son décès, chose que sa femme (décédée 2 ans auparavant) n'a jamais totalement accepté. Dehors, sur le banc, trône une poupée, et une petite fille toque à la porte, la nuit, pour venir récupérer ce jouet abandonné par sa soeur. La vitalité de cet enfant émeut le brave homme, et après des moments de discussions enjoués et insolites, la petite disparait, en oubliant la poupée... Et puis tout s'enchaîne, et la vérité sur cette fille, le cadeau ultime qu'elle représente pour le vieil homme, peut enfin donner lieu à l'expression des sentiments d'Oto, par des larmes qu'il avait emprisonnées dans un coin de son esprit... Joindre, quand tout se termine, les 2 extrémités des boucles de la vie C'est donc une sorte de conte de Noël revisité, au rythme des flocons de neige omniprésents, de l'intimité qui se dégage de ce temps hivernal, pureté du blanc,deuil de la fin d'une époque. Le graphisme est particulièrement travaillé, tant dans les décors que dans l'expression des traits des personnages, se rapprochant assez de celui de Hôjo (city hunter) dans ses meilleurs moments. La mise en page est sobre, sans fioritures, détaillée avec réalisme, clarté de la compréhension du récit. Le style est réaliste donc, servant un récit particulièrement poignant, que l'on pourrait sans doute rattaché aux sentiments que l'on éprouve à regarder le "tombeau des lucioles". Nostalgie d'un japon qui se termine, regrets aussi d'un passé que l'on a pas eu la chance de vivre. Et une fin apaisée à tous les niveaux... Un récit actuel, dans l'air du temps, qui n'oublie en rien les réflexions que le lecteur pourra avoir en cours de lecture et bien après encore... Sans doute en faisant écho à sa propre vie, à ce qu'il peut ou non décider de faire. Réflexions sur la mort donc indubitablement (point commun avec la 2ème nouvelle ) et poésie qui s'oublie en toile de fond J'avoue que c'est un manga où l'on peut difficilement rester insensible, néanmoins, le but de cette BD est justement celui là, et certains, s'ils ne veulent pas se prendre au jeu, pourront trouver les ficelles un peu grosse, quoique beaucoup plus visibles dans la 2ème nouvelle. Précisément cette 2ème histoire : "Love letter" nous parle d'un délinquant qui sortant de prison, reçoit les lettres de sa femme chinoise, qu'il avait épousée lors d'un mariage arrangé, pour convenances particulières à tous deux, mais qu'il n'a en fait même jamais vu du tout. Celle ci vient de mourir, et elle exprime tout ce qu'elle a sur le coeur à celui qu'elle considère comme lui ayant permis de vivre de bons moments, malgré la condition de prostituée où elle s'était engouffrée. Son "mari" était devenu la projection de ses richesses intérieures. Ce dernier, voit alors s'ouvrir son coeur, au fur et à mesure de la lecture de ces lettres et comprend combien il avait fausse route jusqu'alors... Là encore, cette nouvelle porte à la réflexion le lecteur, peut être plus encore que pour "le cheminot". Le graphisme est toujours aussi précis et agréable, même si cette fois, il n'y a plus l'ambiance poétique de décors particuliers pour sublimer le récit. Mais comme je le disais précédemment, si le thème de la mort est commun aux deux récits, la narration est cette fois carrément larmoyante et démonstrative (dans l'avalanche lacrymale du personnage principal, qui s'insurge théâtralement parfois) sans doute trop, ce qui fait que cette fois le dosage émotion/ crédibilité ne semble pas aussi réussi que pour la première histoire (qui est plus longue en passant) Pourtant, l'effet est là quand même, les passages émouvants sont bien présents et l'histoire regagne de la force à chaque fois qu'elle en perd. Donc au final, un excellent manga, que je ne saurais trop vous conseiller, mixage de la retenue japonaise et de la violence mélangée des sentiments et du destin des hommes. Enfin ce manga peut également être un très bon choix pour faire découvrir la BD japonaise à ceux de votre entourage pour qui le mot "manga" n'évoque que répulsions en tous genres : c'est adulte, enrichissant, émouvant, apaisant, et d'une ligne claire (donc pas trop dépaysant pour les amateurs de BD franco-belge, similaire là aussi à l'attrait que peut avoir un Taniguchi dans le même esprit de pont entre les styles de BD) Qui plus est, il bénéficie d'une excellente édition française, d'une bonne restitution des trames, d'une adaptation sans tâches, sans compter un sens de lecture occidentalisé (pour sa version poche tout du moins), qui pour le coup permettra à tous d'appréhender cette oeuvre.

En bref

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