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Critique de Magneto - Le Testament

par bulgroz le jeu. 11 févr. 2021 Staff

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Une réédition giant-size !

Qu’on l’appelle Erik Lensherr ou Magnéto, l’ennemi historique des X-Men est un personnage comptant sans doute parmi les plus importants de l’univers Marvel. Il fait partie du club (de moins en moins) restreint des super-vilains dont les motivations ne peuvent être réduites à l’expression d’une nature foncièrement mauvaise mais peuvent s’expliquer en partie grâce à un passé tourmenté, mettant de côté tout manichéisme à la sauce golden age.

Pour développer une histoire personnelle à la hauteur de ce genre de grand méchant iconique, encore faut-il qu’un scénariste de talent y travaille sérieusement et avec conviction ! Sous peine de rester dans le domaine de l’anecdotique ou de voir son récit tomber dans l’oubli.

Puisqu’il s’agit des X-Men, le scénariste de talent en question s’appelle Chris Claremont. Non pas que leurs créateurs en soient dépourvus, évidemment ! Dès 1963, Jack Kirby et Stan Lee développent un univers particulièrement soigné en reprenant métaphoriquement un contexte politique bien réel : celui du mouvement américain des droits civiques. Stan Lee ne s’est d’ailleurs jamais vraiment caché de s’être inspiré de Martin Luther King et de Malcolm X pour créer les personnages du professeur Xavier et de Magnéto.

Si ce dernier est dès le départ un personnage complexe aux motivations qui le sont tout autant, c’est sous la plume de Claremont qu’il prend encore plus d’épaisseur. Avec Days of future past (1981), le scénariste établit un lien direct entre le sort réservé aux mutants et le génocide des Juifs et des Tsiganes, lien qu’il accentue quelques mois plus tard en révélant que Magnéto est un survivant du camp d’Auschwitz.

Et Magnéto Le Testament, dans tout ça ?

Dans ce récit sorti aux États-Unis en 2008 puis en France en 2009 (et réédité en grand format en 2021), vous ne trouverez pas encore de Magnéto ni de Erik Lensherr. Le Testament raconte en cinq chapitres la jeunesse de Max Eisenhardt de 1935 à 1948, au cours de laquelle il se lie avec Magda mais surtout traverse les grandes étapes de l’établissement du troisième Reich et vit intimement l’holocauste. Il assiste ainsi à la promulgation des lois de Nuremberg, à la Nuit de Cristal, il fuit en Pologne et se retrouve enfermé dans le ghetto de Varsovie pour finalement être déporté à Auschwitz.

Oubliez tout de suite la scène d’ouverture de X-Men : Le commencement.

Dans Magnéto Le testament, Max ne broie pas les grilles du camp par la simple force de son esprit, ce serait aberrant. Ses pouvoirs ne sont évoqués que subtilement et le futur Maître du magnétisme n’en a pas encore conscience, bien qu’il leur doive certainement sa survie…

Magnéto Le Testament se présente comme une fresque historique sur la mise en place progressive de la solution finale, ses modalités et son application. Le scénariste Greg Pak (World war Hulk) et le dessinateur italien Carmine di Giandomenico font de Max Eisenhardt le symbole de la persécution des Juifs en Europe à cette période. C’est un axe intéressant, dans le sens ou les cinq chapitres du récit permettent de lier le genre superhéroïque (le sujet reste les origines de Magnéto) à la bande-dessinée historique, tout en faisant en sorte que le premier s’efface pudiquement face aux horreurs exposées par le second. Ceci se retrouve dans la forme même du livre - d’autant plus avec cette édition giant size : on est bien plus proche du monde de la franco-belge que des comics, même si, très intelligemment, les auteurs en mêlent les codes.
Si du point de vue de l’intention, c’est un sans-faute, au final Magnéto Le Testament s’avère fatalement être une bande-dessinée historique prudente, parfois convenue et un peu trop didactique.

La postface de Stan Lee contextualise et introduit le comic Le dernier outrage.

Ce sont six planches réalisées par Rafael Medoff, Neal Adams et Joe Kubert publiées en 2009 en soutien à l’illustratrice et animatrice Dina Babbitt, elle aussi survivante des camps. Cette dernière est alors en conflit avec le musée national d’Auschwitz qui refusait de lui restituer sept portraits de détenus peints par elle, sous la contrainte, pour Josef Mengele.
Une histoire incroyable, soulevant de très nombreuses questions concernant la relation entre l’art et l’Histoire, la mémoire personnelle et collective, le droit d’auteur et la propriété intellectuelle en général.

Ce sont six planches particulièrement pertinentes à la fin de cet album, en ce qu’elles permettent de nous rappeler que si Magnéto a survécu à Auschwitz, ce ne sont pas des personnages fictifs qui sont morts dans les chambres à gaz et que les personnes les plus malfaisantes n’ont généralement pas besoin de superpouvoirs.

En bref

Une superbe réédition pour une bande-dessinée mêlant la fiction et l’histoire. Indispensable pour les amateurs des X-Men ou pour ceux qui s’intéressent à l’histoire du génocide des Juifs et des Tsiganes par l’Allemagne nazie (même si dans le deuxième cas il vaudrait mieux se reporter sur d’autre titres !). Magnéto Le Testament est une œuvre intelligente, dans le fond comme dans la forme, qui approfondit les jalons posés par Stant Lee et Chris Claremont pour fixer, de manière sûrement définitive, les origines d'un des plus grands méchants de Marvel.

8
Positif

Le savant mélange entre comics et franco-belge

Les très belles planches bien mises en valeur

Magnéto quasi absent au profit de Max

La très belle réédition grand format

La jaquette se dépliant pour former un immense poster

Les bonus de qualité

Negatif

L'aspect parfois trop didactique de la BD historique

Les couleurs de Matt Hollingsworth, parfois surprenantes

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