Quand le goulag fait d'un enfant un loup-garou...

Paul est tatoueur à New York et aide la police en réalisant des portraits robots à partir des témoignages des témoins. Il a un don particulier car il visualise les personnes décrites de façon extrêmement précise. Mais c'est aussi un rude combattant qu'il ne fait pas bon agresser. Tout cela ensemble vient de son passé au goulag de la Kolyma qui a fait de lui un loup-garou comme il se définit lui-même. Quand des femmes sont violées et égorgées par un criminel qui signe d'un bonnet de Père Noël, il ne visualise pas le criminel.

Jerome Charyn a créé ici un personnage extraordinaire avec Paul (ou Pavel) : combattant émérite par nécessité de survie, excellent dessinateur et tatoueur, un peu chaman car il croit à la force des dessins inscrits sur les corps, fidèle en amitié. D'après mes calculs, il est plus jeune qu'il ne le parait car le film "Alexandre Nevski" date de 1938 et je suppose qu'il est né en 1930 donc ayant 40 ans en 1970… le goulag laisse des marques indélébiles autres que les tatouages sur ceux qui l'ont subi. Un autre personnage fort est la jeune Azami, un impressionnant mélange de douceur et de ténacité.

François Boucq a illustré cette histoire violente et souvent cruelle avec son brio habituel. Les personnages sont expressifs et les mouvements sont remarquablement représentés. La violence est très présente dans cet album autant dans les dessins que dans l'histoire. La colorisation colle parfaitement mais comme, le dessinateur en a fait une partie, ce n'est pas vraiment étonnant. J'aime particulièrement le côté poétique du papillon qui est sans doute l'âme de Paul prête à le quitter quand il est à l'hôpital… Et oui, un peu de poésie dans un univers dur et violent!

Une jolie conclusion est donnée : "Les hommes [sont] des songes qui vivent dans un songe ignorant qui les rêve. Nous sommes l'étoffe d'un rêve. La grâce du dessin nous donne le pouvoir de la modifier."