Un prequel au goût de bouquet final

Je suis toujours très excité quand j'ai ce genre de livre entre mes mains, et ceux, pour plusieurs raisons. C'est déjà un très beau livre que nous ont sorti les Éditions Delcourt, dans la veine de « Fondu au noir », par le même duo infernal, sauf que cette fois, le blanc est remplacé par le noir. C'est la deuxième raison, on a ici les maîtres du genre polar, toujours remplis de noirceur, les bien nommés Ed Brubaker et Sean Phillips. Ce dernier est toujours aidé à la colorisation de son fils Jacob, vu dernièrement dans la cour des grands, et aux dessins, dans Texas Blood, disponible également chez Delcourt Comics.

Parlons-en de la couleur. Ici, on n'est pas du tout dans le road movie de Joe Bob Coates aux couleurs du sable du Texas des frères Coen. Non, ici vous êtes dans LE prequel de Criminal, un monde de durs à cuire. Nous avons toute une gamme d'ombres bleutées, noircies, ou encore orangées. Le peu de blanc est au service de son contraire. Le tout est vraiment très bien pensée pour un résultat parfait et superbe, qui sait tirer l'histoire vers le haut. Le titre ne résonnerait certainement pas pareil sans Jacob Phillips à ces commandes.

Mais, il n'y a pas que lui en forme, papa l'est aussi, emporté par l'énergie d'une seconde jeunesse. Les cases, mais franchement, ouvrez ce livre, c'est de toute beauté ! Pourtant, je l'ai déjà vu à l'oeuvre plus d'une fois à travers les différentes œuvres, dont vous avez peut-être lues lors de mes chroniques sur Sanctuary.fr. Mais, là, on est encore un cran au-dessus. Il faut voir les pleines pages avec ces gueules cassés, c'est juste magnifique, on irait bien commander quelques tirés à part sur le site, http:/www.seanphillips.co.uk.

Enfin, Ed Brubaker se livre de nouveau à nous, les tripes au sol. On peut le lire d'ailleurs dans sa postface. On connaît son passé où la drogue le commandait, et ici, c'est en tant qu'artiste tout à fait clean, qu'il s'en inspire pour mieux nous alerter sur les enjeux. Ricky, c'est lui, celui qui aurait pu prendre les mauvaises décisions. Ce gamin un peu voyou a un père, Teeg Lawless, assez complexe. C'est son modèle en tant qu'homme, mais c'est aussi celui qu'il déteste le plus. Il peut lui donner une grande claque dans la tronche, comme il peut tomber éperdument amoureux d'une femme. Une personne tout aussi compliquée que lui mais très charismatique aussi. Ce petit monde tourne en électrons libres les uns autour des autres jusqu'à se fracasser dans un final éblouissant que chacun verra d'un œil assez différent.

Je ne passerais pas par quatre chemins, un été cruel doit faire partie des affaires à emmener en vacances. Il est indispensable à tout amateur de belles histoires, avec des personnages grandioses, digne d'Hollywood. D'ailleurs, ils attendent quoi ceux-là ? De plus, même si vous n'avez pas lu les premiers tomes de la série Criminal, vous pouvez y aller sans prérequis. Et pour les autres, ceux qui suivent depuis le début, c'est un prequel aux allures de finale digne de cette collection. « La tapisserie » comme dit Ed, est achevée, elle a levé le voile sur la vie de Teeg Lawless. Vous aurez envie de tout relire par la suite, c'est sûr! Cette histoire vous hantera à jamais ! Et on en redemande encore !