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Critique de Adrastée

par MassLunar le mar. 28 sept. 2021 Staff

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Quand Mathieu Bablet dépeint l'odyssée d'un immortel...

Avec Adrastée, le génial Mathieu Bablet entraîne son lecteur dans une mystérieuse odyssée, celle d'un être immortel qui veut comprendre la raison de sa condition. Pourquoi cet ancien roi d'Hyperborée qui a déjà vécu plus de 1000 ans a vu ses proches disparaître , a contemplé l'effondrement de son royaume ? Pourquoi doit-il continuer à uniquement vivre alors que les personnes autour de lui vivent mais meurent aussi tandis que les villes deviennent des ruines ? Entre ces questions, notre triste héros tente de se souvenir, de ses âges et surtout de la femme qu'il a aimé et à qui il n'a pu dire au revoir.

Pour son deuxième album plus personnel aux éditions Ankama ( d'abord paru en deux tomes puis réédité en intégrale en 2016 ) , Mathieu Bablet remplace l'horreur insecticidede la ville chez La Belle Mort  pour privilégier un cadre fantasmé de Grèce Antique avec une belle touche d'imaginaire baroque et foisonnant.  La mythologie dans Adrastée semble hors du temps, les environnements sont détaillés, beaucoup plus variés que dans le précédent titre, toujours sublimés par le style vertiginieux et profond d'un dessinateur qui confirme ici ses qualités de faiseur d'univers.

Dans La Belle Mort, Mathieu Bablet confirmait sa maîtrise des lignes, sa notion des champs, des espaces, dans Adrastée, il confirme davantage les qualités de son dessin architectural.

Un dessin dans lequel on aime se perdre, dans lequel on erre, parfois avec la boule au ventre face à des vestiges, parfois avec enchantement face à de véritables peintures d'une nature titanesque le tout sublimé par une colorisation fort aux tonalités bien prononcées suivant les différentes étapes de la marche de notre héros.

Adrastée se construit donc comme une errance sans  véritables finalités. Là où l'intrigue de La Belle Mort démarrait comme une histoire de survie post-apocalyptique classique avant de s'orienter vers une issue curieuse et darwinienne, l'intrigue d'Adrastée  est assez évasive, presque abstraite. Elle se contente de nous faire partager la route d'un immortel dont on découvre peu-à-peu le passé. Un immortel qui erre seul mais qui n'est pas tout seul malgré tout. Sur sa route, il fera des rencontres plus ou moins amicales et bénéficiera même de l'aide des dieux du panthéon grec, il se heurtera à de colossales ennemis et traversera tout un monde en guerre. 

Avec Adrastée, Mathieu Bablet donne l'impression que l'intrigue se tisse sans véritable structure narrative. C'est à la fois la force et la faiblesse de ce titre puisque d'un côté, nous avons affaire à une odyssée remplie de surprises dans laquelle notre héros évolue dans différents environnements marquants, de l'autre, nous avons affaire à une intrigue parfois abstraite qui semble être traité de manière un peu pompeuse, un peu froide surtout au vu d'un final qui se laisse aller à une sorte d'abandon. C'est le genre d'intrigue qui peut aussi rendre perplexe et cela se comprend...

Mais Adrastée se lit surtout pour la beauté de ce voyage mélancolique et de ce côté-là, Mathieu Bablet nous régale ! Vestiges d'une civilisation de pierre rongé par la faune entrecoupé de quelques plans aériens vaste cité peuplée sur le point de partir en guerre, scènes crues d'une fête orgiaque , ascension jusqu'à un certain Mont Olympe... L'odyssée à laquelle nous convie l'auteur est d'une belle richesse contemplative. Encore une fois, on s'y perd mais on s'en régale, on savoure la qualité de ce voyage varié.

 L'auteur emploie remarquablement son talent dans cette fantasy mythologique qui possède aussi une petite dimension à la Moebius dans le traitement labyrinthique de son environnement. 


Un mot tout de même sur le chara-design qui est forcément plus affiné avec beaucoup plus de personnages. Bablet varie un peu les horizons en s'inspirant fortement de la mythologie grecque à travers un bestiaire du merveilleux qui comprend la sphinge ( ou sphinx) , le cyclope, un gigantesque titan de métal... Bablet garde son style angulaire et allongé avec des apparitions de toute beauté telle qu'Adrastée mais il montre aussi son aisance dans un imaginaire plus influencé. 

En bref

Adrastée est une bande dessinée à lire absolument pour qui aime le style de cet auteur mais aussi pour celles et ceux qui adorent les albums qui invitent au voyage, à un imaginaire baroque influencé ici par le cadre de la mythologie grecque. Avec Adrastée, Mathieu Bablet s'impose comme l'un des meilleurs dessinateurs architecturaux contemporains.

9
Positif

Une errance variée portée par le style détaillé et vertiginieux de Mathieu Bablet qui prouve ici ses qualités en tant que créateur de mondes.

L'influence de la mythologie et de la Grèce antique alliées avec une touche d'imaginaire baroque presque SF

Le plaisir d'une odyssée sans réelle buts mais qui traite de thématiques chères telle que les souvenirs, le sens de la vie...

Negatif

Un scénario cependant un peu abstrait et froid dont l'absence formelle de structure ne plaira pas à tout le monde.

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