Sur le rêve

René.e ne se sent pas à sa place, ni avec sa mère, ni avec les autres enfants, pas même dans le bus. A la faveur d'un voyage imaginaire à la recherche de son doudou, il bascule dans un autre monde, celui du rêve.

Je me souviens avoir étudié en philo l'essai Sur le rêve de Freud et René.e aux bois dormants m'a fait repenser à ça : dans cet univers onirique, la réalité est reconstruite par images, déplacements ou intégration de divers éléments. Du coup, on doit se laisser porter par cet album pour rentrer dedans (mais pas d'inquiétudes, à la fin, on comprend).

Les images sont bien celles d'un rêve : poétiques et hallucinantes, les cases se tordent et s'étirent pour suivre cet aventure. Le travail sur les couleurs est remarquable : si l'utilisation du sépia pour les souvenirs reste classique, on passe ensuite à de grandes aquarelles aux teintes variées ou à des illustrations psychédéliques qui font penser à un trip sous LSD dans un univers érotisé. René.e est un album qui prend le temps et l'espace nécessaires pour que les images nous marquent.

J'ai beaucoup aimé aussi les histoires enchâssées dans le récit central de quête des origines identitaire et sexuelle. On rencontre ainsi les Aorens, petits êtres dont la survie dépend de leur amnésie, un ogre sous la terre qui se nourrit de lumière, ceux qui peuplent le monde du milieu ou la sorcière Isba.

Par l'intermédiaire du rêve et de René.e et de sa fille, cet album soulève beaucoup de questions sur la transsexualité, l'enlèvement et l'assimilation forcée des enfants amérindiens, la difficulté à trouver sa place quand on n'est pas tout à fait comme les autres ou les métamorphoses individuelles. Les éditeurs présentent René.e comme un « road-trip halluciné à la croisée des mythes », c'est tellement ça ! Alors, comme Alice, laissez vous guider par la recherche du lapin (doudou) et séduire par cet album hors norme !