Pour une première et dernière aventure ...

On ne présente plus Sylvain Vallée , dessinateur bien connu pour son travail sur l'excellent Il était une fois en France ou la trilogie Katanga avec son comparse Fabien Nury. Issu de l'audiovisuel et du monde du spectacle, Mark Eacersall, quand à lui, est un scénariste un peu moins expérimenté dans le domaine de la bande dessinée mais qui avait déjà signé le scénario d'un roman graphique intitulé Gost 111.

Vallée et Eacersall avec Delf à la couleur font preuve de tout leur talent pour signer l'un des plus remarquables one-shot de cette fin d'année. Aussi drôle qu'émouvant, Tananarive est un album de la dernière aventure combinant aussi bien l'intime à la drôlerie, l'envie d'exotisme, mené par une intrigue bien ficelée et bien rythmée.

Quand on voit la couverture et qu'on lit le résumé, on peut penser avoir affaire à un album fort sympathique façon Les vieux fourneaux ou une histoire feel-good avec une petite morale très rafraichissante (et un peu clichée ) du genre : " il n'est jamais trop tard pour vivre sa vie ! " . Il y a un petit peu de ça mais il y aussi tellement plus. Car au bout de quelques petites pages, le scénariste Mark Eacersall déjoue nos attentes tout en gardant l'essence d'un road-movie initiatique et symbolique, une ode à la liberté loin d'être naïve.

Sans divulgacher quoi que ce soit, le scénario de Mark Eacersall se dévore très facilement. On suit ce road-trip mouvementé, remplie de révélations avec un délicieux final qui nous laisse songeur. Il y a de l'humour sans sombrer dans la comédie ultra-potache, il y a un peu de tristesse et d'amertume sans noyade dans le pathos... Un très bon point au niveau du rythme car Tananarive fait aisément partie de ces titres qui se dévorent très vite. Un point commun, semble t'il, entre les bd de Sylvain Vallée dont le découpage "cinemascopique" permet une grande fluidité.

Pour celles et ceux qui sont déjà familiarisés avec le travail de Mr.Vallée, nous retrouvons sans problème son style expressif et caricatural qui permet de développer de sacrés gueules de personnages, de souligner des attraits, des poses en accord avec leur caractères. Ainsi, au cœur de notre duo principal, là où le notaire est presque voutée petit, presque courbé à cause de sa réserve, tout en rondeur alors son ami et voisin, l'aventurier  est longiligne,  se tient droit et plus ouvert... Sylvain Vallée n'a pas son pareil pour nuancer un dessin caricatural dans des récits plus dramatiques comme il l'a prouvé avec ses précédentes bande dessinées plus proches du thriller. Cela donne une ambiance tout en fraicheur au titre sans éclipser de vraies émotions.

Le chara-design est excellent tout comme l'ambiance générale de ce one-shot qui oscille entre réalité et poésie. Ce road-trip donne un sérieux goût de l'aventure tout en surfant sur une intrigue un peu plus terre à terre. Il faut saluer aussi l'excellente colorisation de Delf qui contribue pleinement à l'atmosphère. 

Les auteurs font surgir la jungle onirique depuis les routes grisâtres, c'est une bd qui jongle délicieusement entre rêverie et réalité.