L'Horreur cosmique et filamenteuse de Junji Ito
Cette année, c'est un peu une année Junji Ito avec la réédition ou l'édition de quelques-unes de ses œuvres comme Tomie et Sensor chez Mangetsu ou encore Gyo ou l'incontournable Spirale chez Delcourt...
C'est un grand plaisir de découvrir ou redécouvrir ce maître du manga d'horreur, voire de l'horreur tout simplement. Personnellement , j'avais quelques réminiscences de Spirale mais je dois bien avouer ne m'être jamais totalement plongé dans l'horreur de Junji Ito et, pourtant, la réputation de ce mangaka n'est plus à faire et si l'on souhaite s'orienter vers les recoins ténébreux du manga de genre, il faut lire et découvrir Junji Ito. En tout cas, c'est l'envie que donne Sensor, l'un des titres les plus récents du mangaka puisqu'il a été prépublié au Japon en 2018. C'est donc une exclusivité en France par le biais de cette récente mais talentueuse maison d'édition qu'est Mangetsu ( label manga de chez Bragelonne).
ll faut reconnaître que ce n'est pas facile d'appréhender Sensor tout simplement car nous ne savons pas dans quelle direction le mangaka nous entraîne. Tout commence par une jeune randonneuse qui découvre une étrange communauté au pied d'un volcan éteint. Cette communauté voue un culte à un certain Dieu appelé Amagami, culte célébré au milieu de filaments volcaniques dorés. Je n'en dirais pas plus mais chaque chapitre de ce manga nous pousse un peu plus vers l'horreur, notamment à travers le fil conducteur qu'est Kyoko Byakuya, la jeune randonneuse à la chevelure d'or...
L'autre personnage principal est un journaliste un peu paumé qui va se retrouver embarqué dans cette sinistre histoire dans laquelle il croisera la route d'une secte, d'une petite station balnéaire rongés par de mystérieux insectes intestinaux ou croisera la route de la folie au détour d'un miroir routier...Différents chapitres sans transitions directes mais avec une impression toujours oppressante, celle de s'enfoncer toujours plus dans la noirceur et l'horreur cosmique jusqu'à un chapitre final qui nous plonge dans le Japon du XVI ème siècle. En comparaison, Sensor n'est sans doute pas aussi dense que des œuvres comme Tomie et on peut regretter le petit discours final un petit peu cliché de la fin de cette oeuvre mais en découverte, c'est tout de même un bon manga horrifique dans lequel on relève un bon esprit lovecraftien.
En effet, en parlant d'horreur cosmique, on devine bien sûr l'influence de Lovecraft derrière cette œuvre de Junji Ito. La thématique du savoir poussée jusqu'à la folie face à l'incompréhension de forces qui nous dépassent est typiquement une marque du cosmicisme lovecraftien. Junji Ito pousse cette confrontation ou plutôt cette perdition à fond dans le body horror , notamment à travers un personnage qui se voit transformer en délire neuronal.
Sensor , c'est un bonne ambiance anxiogène accompagné de scènes-chocs bien rebutantes dans la lignée d'un body horror façon cinéma de David Cronenberg. Il est remarquable de constater que Junji Ito joue avec les petits éléments du quotidien comme un miroir routier ou encore l'image de l'insecte pour faire naître une peur malsaine et surtout rebutante. Comme des réminiscences de Spirale , Sensor joue aussi une horreur visuelle affirmée mais qui fascine également et dont on ne peut détacher les yeux. Mention spéciale à l'image de la chevelure et des filaments volcaniques comme les cheveux de pélé. C'est tout simplement une remarquable idée de la part du mangaka que de s'être inspiré de ce phénomène naturel pour en tisser ( dans tout les sens du terme) une œuvre horrifique rebutante et attirante à la fois.
Enfin soulignons une nouvelle fois le bon travail éditorial de la part de Mangetsu qui a remarquablement mis en valeur la chevelure d'or de Byakuya.
En bref
Entre body horror et cosmicisme lovecraftien, Junji Ito délivre un titre horrifique progressif et prenant . Les habitués du genre ne seront pas dépourvus devant ce nouveau titre tandis que les nouveaux venus dans l'univers de Junji Ito pourront y trouver un bon point d'appuie en attendant de découvrir des titres telles que Tomie ou Spirale.
Positif
Une ambiance horrifique soignée qui mêle anxiété et horreurs frontales à travers des vecteurs telles que la chevelure
Le chapitre des insectes , juste mémorable...
La postface de Hidéo Kojima (le créateur de MGS)
Negatif
Un discours de fin un peu bateau, pas forcément nécessaire
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