Critique de Les Seigneurs de la misère
par Ben-Wawe le ven. 21 janv. 2022 Staff
Rédiger une critiqueUn intermède beau, prenant mais un peu frustrant pour le Goon, loin de la Ville-Sans-Nom... mais pas des ennuis !
Les Seigneurs de la Misère est un récit unique intégré à l'univers de la série The Goon, de l'auteur complet Eric Powell.
Ce dernier a commencé sa série en 1999, et continue la publication des numéros, à un rythme moins intense que les grandes productions Marvel et DC... tout simplement parce qu'il fait quasiment tout seul ! Eric Powell écrit, dessine et co-réalise en effet les couleurs de ses œuvres, les marquant pleinement de son empreinte.
Delcourt commence la traduction de la série en 2005, et propose actuellement 13 tomes et 2 intégrales pour les lecteurs français.
Mais qu'est-ce que, The Goon ?
La série suit le Goon, à l'identité inconnue et qu'on appelle par ce ce titre qui, en anglais, correspond à un homme brutal, mais limité ; un gorille, comme on dit. Il est cependant le personnage principal de l'univers, et révèle, derrière sa force et sa grande technique de combat, un homme bon mais torturé. Il est accompagné par son ami Franky, un alcoolique, menteur, psychopathe mais bon camarade.
Tous deux interviennent dans la Ville-Sans-Nom, où ils luttent contre des monstres, des zombies, des savants fous, des éléments fantastiques, dans une approche mi-criminelle, mi-héroïque des événements.
Eric Powell créé une atmosphère étonnante pour sa série, oscillant entre les récits d'horreur, le polar via les organisations mafieuses, et le surnaturel. Une fusion surprenante, mais réussie !
Les Seigneurs de la Misère intervient un moment où le Goon et Franky ont quitté la Ville-Sans-Nom. Ils se sont réfugiés, après avoir abandonné les pleins pouvoirs criminels qu'ils avaient, dans un cirque itinérant, avec le jeune Roscoe, un loup-garou qui les accompagne. Ils sont cependant recrutés de force par le mystérieux Archibald, doté de capacités magiques.
Le trio est amené dans une étrange maison, où ils rencontrent La Diabla, femme masquée étrange et brutale, et Glenn Loomis. Ce dernier est un pilote américain ayant subi des expériences soviétiques, qui l'ont doté d'un cerveau atomique, capable de lancer des rayons nucléaires. Son histoire est récupérée par un auteur de comics, pour une série Atomic Rage dont Roscoe est fan.
Tous découvrent alors qu'ils doivent intégrer un groupe secret : les Seigneurs de la Misère. Ces derniers existent depuis le VIIIe siècle, quand l'aristocratie a décidé d'utiliser « les pires des pires » pour des missions suicidaires, et éviter la disparition d'esprits brillants.
L'une de ces missions demande de vaincre le Prince Grigore, Voïvode des Byzantins, surnommé le Serpent de Buchwald. C'est un boucher cruel et sadique, devenu seigneur de guerre, alchimiste et mage noir. Il s'est lié au Diamant Noir de Shiva, qui réclame du sang pour garder puissance et immortalité à Grigore. Et ce dernier ne cesse de se reconstituer après chaque défaite imposée par les Seigneurs de la Misère.
Le mystérieux dirigeant du groupe entend cependant faire cesser là cette menace constante par cette dernière mission dangereuse. Il envoie ces nouveaux Seigneurs dans les Carpates, où la trace du Diamant Noir de Shiva semble avoir été retrouvée par un Grigore encore affaibli par sa renaissance...
Eric Powell rend ici un bel hommage à Dracula, en faisant de Grigore un clone assumé. Cela lui permet ainsi de s'amuser avec une belle figure de l'épouvante, tout en apportant son ton provocateur et acide, avec des piques et des abus agréables.
Et, bien sûr, de montrer le Goon face à une telle menace, avec un Franky obsédé par la perspective de voler le diamant.
L'ensemble se lit très agréablement, avec toujours une bonne gestion des personnages et de l'humour. Ce dernier oscille entre des situations comiques, des concepts abusifs et drôles, ou des répliques bien senties. Eric Powell confirme ainsi son talent de caractérisation, avec notamment un Glenn Loomis « prévisible » dans son écriture, mais très bien animé et touchant.
Idem pour la relation Goon/Roscoe, avec des petites touches d'émotion. Franky reste lui très drôle, bien que plus secondaire ici.
Hélas, le récit est déséquilibré en lui-même.
La première partie, sur le recrutement, est très agréable mais se révèle finalement un peu longue, alors que la deuxième sur l'explication des Seigneurs de la Misère est bonne et très fluide.
Malheureusement, tout ceci laisse trop peu d'espace pour le dernier segment. La mission apparaît alors précipitée, avec peu de rebondissements, quelques facilités, et des transitions vraiment trop rapides entre les scènes.
Dommage, d'autant qu'il y a encore plusieurs mystères sur les Seigneurs de la Misère, avec cette sensation de « trop-peu » sur eux, et sur les responsables.
La lecture demeure agréable, notamment via le graphisme efficace, fluide et prenant d'Eric Powell. Ce dernier livre toujours des planches convaincantes, avec un style et surtout une colorisation qui fonctionnement complètement.
Il est ainsi presque « frustrant » d'achever la lecture sur un final aussi expéditif, car l'ensemble est vraiment plaisant et grisant jusque-là.
Une histoire courte sur La Diabla ouvre le tome, avec plusieurs personnages qui livrent des récits et légendes sur son origine. Toutes ces possibilités sont tragiques et terribles, avec un lien final sur les Seigneurs de la Misère.
Le mystère demeure, mais la lecture est très agréable et prenante, même si le procédé scénaristique un personnage / une origine possible est déjà-vu et un peu répétitif.
Cela reste un bel et bon ajout à l'ensemble.
En bref
Les Seigneurs de la Misère est un bel et bon intermède dans la série The Goon. Le graphisme est beau, les idées sont intéressantes, et l'ensemble se lit bien. Dommage qu'un problème de rythme rende le final frustrant, tant l'atmosphère et les personnages rendent la lecture prenante.
Positif
La caractérisation drôle, provocatrice mais aussi fine des personnages.
Les bonnes idées sur les Seigneurs de la Misère et Grigore.
Le graphisme léché d'Eric Powell.
Negatif
Un rythme déséquilibré.
Un final précipité.
Trop peu d'éléments sur les Seigneurs de la Misère.
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