Critique de Will Eisner - Trilogie Affaires de familles
par Le Doc le jeu. 10 févr. 2022 Staff
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La collection d'intégrales des éditions Delcourt s'enrichit d'un nouveau volume consacré à l'oeuvre de Will Eisner. Affaires de Familles réunit dans l'ordre La Valse des Alliances (The Name of the Game en version originale), Affaires de Famille (A Family Matter) et Les Petits Miracles (Minor Miracles), trois albums ayant pour point commun les dynamiques familiales, perpétuant l'un des thèmes principaux de l'oeuvre du scénariste/dessinateur, l'exploration des vies de ces immigrants attirés par une nouvelle vie en Amérique, cherchant l'intégration et l'acceptation par différents moyens tout en faisant face à l'antisémitisme rampant.
La Valse des Alliances est un livre aussi passionnant que difficile. Passionnant par son contexte, sa saga générationnelle qui s'étend sur plusieurs décennies, son observation de la nature humaine, domaine dans lequel Will Eisner ne manquait pas de maîtrise. Difficile aussi car le ton est impitoyable et le déroulement des événements souvent déprimant. Ces alliances se nouent et se dénouent en gravitant autour de la famille Arnheim et de la figure de Conrad, un gosse pourri gâté obligé de reprendre l'affaire familiale qui ne l'intéressait pas et qui réussit à passer à travers les gouttes (gestion déplorable, crise de 1929...) grâce à ses méthodes discutables. En société comme au sein de ses demeures successives, Conrad est un être détestable, un brin caricatural parfois mais il compose la cruelle symphonie de cette danse faite d'insatisfaction et de compromis.
Affaires de famille ne fait pas vraiment sourire non plus. Eisner se fait une nouvelle fois sombre et acerbe dans la description de cette réunion de famille pour fêter les 90 ans du patriarche. Mais ce n'est pas la joie qui s'invite, plutôt les vieilles rancunes et rivalités. Affaires de famille est une autre démonstration du talent de narrateur de Will Eisner, notamment par la façon dont l'auteur illustre les flashbacks, tels des nuages qui pèsent lourdement au-dessus de chaque protagoniste. C'est dur, en appuyant par exemple sur la façon dont les obligations économiques renforcent le stress et fragilisent les relations...et aussi touchant par moments lorsqu'Eisner s'attarde sur les plus jeunes, brisé ou encore innocente...
Dans Les Petits Miracles, Will Eisner explore à nouveau les rues de son enfance avec quatre histoires de pagination variable prenant place dans l'avenue Dropsie. Bon, j'avoue que j'ai eu cette fois-ci un peu de mal à voir le lien entre les quatre et à peut-être saisir le symbolisme des "miracles" tel qu'Eisner l'explique dans sa préface...mais cela n'a pas entamé mon plaisir de lecture car chaque segment, chaque petite ou grande tranche de vie a sa propre personnalité. J'ai beaucoup aimé les chutes des deux premières, le mystère de la troisième et les nuances de la dernière, variation d'une musique certes déjà jouée par l'auteur mais dont les notes composent une tragicomédie dont seuls les contes de Dropsie Avenue ont le secret.
En bref
En bref...une nouvelle entrée incontournable de la "Will Eisner Library" de Delcourt !
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