Se relever et vivre sa passion même dans l'adversité !

Depuis sa sortie phénomène l'an passé, Look Back a fait couler beaucoup d'encre. Beaucoup ont crié au génie, trouvant en Tatsuki Fujimoto un mangaka majeur de notre époque. Après ma déception sur Fire Punch, sa première oeuvre publiée chez nous qui est outrancière et n'importe nawak au niveau du scénario dans les derniers tomes, je ne peux aller dans leur sens. Pourtant, je ne peux mentir non plus, Look Back m'a pris aux trippes ! 

Lors de sa sortie en prépublication, ce oneshot de 140 pages a de suite remué les lecteurs de par le monde grâce à sa mise à disposition en japonais mais aussi en anglais sur la plateforme de l'éditeur. Il était donc évident qu'il arriverait chez nous, ce que Kazé nous fait le plaisir de faire assez rapidement qui plus est. Si l'oeuvre m'a fait forte impression, je ne dirais pas la même chose de l'objet que je trouve fort cher pour ce qu'il est. Est-ce dû au service presse que nous avons reçu ? Mais j'ai été frappé par un volume où il n'y a ni plus ni moins que l'oeuvre de Fujimoto et c'est tout sans la moindre page la précédent et dans un format un peu cheap. Au vu des plus de 7€ pour 140 pages, je trouve ça un peu limite...

Heureusement, l'oeuvre rattrape tout ! Le sujet n'a rien d'extraordinaire, nous suivons un petite fille passionnée de dessins, qui par goût de la compétition et envie de recevoir des compliments va s'y mettre à fond, nouant une belle amitié avec une hikikomori qu'elle parviendra à faire sortir de chez elle. Mais un jour, un drame viendra mettre un coup à leur relation. C'est le traitement de cette histoire qui fait tout.

J'ai été soufflée par la richesse des émotions qu'on ressent dans les planches. Qu'on aime ou non (comme moi) le trait de l'auteur, on ne peut quand même que saluer la beauté de sa narration muette dont il use et abuse, peut-être un peu, qui vient rythmer cette histoire qui se dessine sur plusieurs années. Le poids du temps qui passe, l'émotion de cette relation qui s'approfondit, tout ça l'auteur n'a pas eu besoin de mots pour le dire, son dessin a suffi et c'est magique ! On est assis à ce bureau avec l'héroïne, sorte de double de l'auteur dont elle porte presque le nom, que ce soit à l'école, chez elle ou plus tard dans son appartement. Et de dos, on sent tout le poids de ce qui l'agite.

Avec cette héroïne, il y aura d'abord la passion pour le dessin, puis le poids du regard des autres, s'en suivra le bonheur d'avoir trouvé quelqu'un qui la comprend et partage sa passion, l'envie de faire toujours plus ses preuves et l'orgueil qui viendra peut-être un peu trop la faucher. On a déjà eu des mangas sur des artistes, des mangakas : Bakuman, Blue Period, BL Metamorphose, Trait pour Trait. Mais ici l'auteur propose autre chose. Il revient durement sur lui-même, si c'est bien lui sous ces traits, et sa relation aux oeuvres et aux amis et assistants. L'autre jeune fille qu'elle rencontre et avec qui elle va partager sa passion, elle ne va pas bien la traiter. Et si c'est plus suggéré que dit, la force du drame qui va se nouer dans les dernières pages exprime bien les remords de l'héroïne - auteur ici. 

Car au-delà de la puissance émotionnelle contenue dans les planches depuis les débuts, c'est cette fin qui va transcender l'oeuvre et la faire rester dans les mémoires, la faisant passer d'oeuvre un peu banale à oeuvre mémorable car déchirante. J'ai vraiment été émue pour l'émotion de l'héroïne qu'elle nous transmet sans mot à travers ces quelques pages. C'est puissant. Alors ce n'est pas le seul artiste à m'avoir fait ressentir cela, mais il entre tout de même dans ce carré restreint. Ainsi même si je ne crierai pas au génie, je ne peux que dire qu'il m'a énormément touchée.