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Critique de L'âge d'eau #1

par MassLunar le ven. 18 mars 2022 Staff

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Au fil de l'eau, le début d'un nouveau voyage pour Benjamin Flao

Déjà remarqué chez Futuropolis pour son premier titre personnel, Kililana Song, le dessinateur Benjamin Flao nous embarque pour un nouveau voyage dans une France qui n'est plus que l'ombre humide d'elle-même. En effet, dans cette fiction qui aurait pu basculer dans un classique cadre post- apocalyptique, le pays subit une importante inondation à tel point que les villes sont devenues des ilots face à d'immenses étendues d'eau. Mais plutôt que de nous noyer dans le désespoir, le rêveur Benjamin Flao nous immerge dans un récit calme, parfois serein malgré l'apparente gravité de la situation et nous fait vivre un petit voyage sur ces eaux propices aux pensées oniriques.

Avec une veine expressive à la plume  que n'aurait pas renié un certain Hugo Pratt, Benjamin Flao nous présente deux frères qui partent en quête d'un nouveau lieu de refuge pour leur vieille mère  alors isolée tranquillement dans un havre naturel entouré par la flore et la faune. Mais, malheureusement, les autorités toujours présentes sont bien décidées à forcer les personnes en dehors du système à rejoindre des centres d'hébergement d'urgence. Les, deux frères Hans et Gorza partent donc en quête d'un lieu de refuge pour leur famille. Le premier ressort de prison suite à des actes de sabotage tandis que le second est un colosse muet et bienveillant. Tout deux sont accompagnés par leur fidèle chien bleu qui tel un fil bleu nous fait partager cette aventure au gré d'étranges rêveries semblant émaner du passé.

L'âge d'eau est un curieux et envoutant voyage. Il démarre par le biais d'une curieuse métamorphose et nous plonge tranquillement vers cette douce et amère aventure durant laquelle les deux frères devront aussi bien surmonter les épreuves de la nature que la bêtise des hommes.

Il n'est d'abord pas simple d'embarquer dans ce bateau. Benjamin Flao démarre son récit par de curieuses pensées oniriques avant de nous faire partager le point de vue du chien bleu de la famille, une créature presque fantastique qui donne une portée presque mystique à ce récit qui justement tout aussi bien se lire comme un récit de voyage. Rappelons que Benjamin Flao est un voyageur et ce sont ses voyages en Afrique de l'Est qui ont influencé sa ballade remarquée qu'est Kililana Song. Nous retrouvons cet aspect de croquis, ce dessin pris sur le vif à travers quelques magnifiques planches qui nous donnent envie de nous reposer au milieu de ces immensités que l'artiste parvient si bien à mettre en valeur. 

L'âge d'eau est un récit remarquable portée par une poésie du paysage parfaitement maîtrisé. Ce qui force le respect, c'est le fait que Benjamin Flao ne noie pas ce récit dans l'amertume et la tristesse d'un monde sous la croupe des décrues mais au contraire il le relève avec une bienveillance qui nous fait aisément regretter le monde actuel. Les choses sont à la fois simples et complexe dans L'âge,d'eau et le premier bonheur des gens est de pouvoir trouver refuge. Tel un fabuleux duo issu d'un roman de Steinbeck, nous nous attachons aussitôt à la sympathie procurée par ces deux frères que ce soit Hans, l'écorché au sourire toujours présent ou Gorza le sympathique géant qui "pose des actes à la place des mots". Le dessin de Benjamin Flao illustre avec une simple délicatesse leurs rencontres avec différentes personnes et communautés. On remarque le soin apporté aux dialogues ainsi que le ton plus soutenu et mystérieux donné par les pensées de ce curieux chien qui accompagne nos frangins. D'ailleurs, nous pouvons nous demander si ce chien bleu ne serait pas une sorte d'avatar de l'auteur comme en témoigne le début des pages dont la voix-off semble être de Benjamin Flao lui-même. D'autant plus que le dessinateur a précisé dans certaines interviews puiser son inspiration dans ses voyages mais aussi dans ses rêves, une inspiration qui se condense délicatement dans ce récit de survie délicat et posé.

Mais cette première partie de L'âge d'eau aborde aussi un ton plus sérieux et réaliste avec le personnage de la fille de Hans, une jeune punkette qui se retrouve plus ou moins mêlée à des actes de sabotages comme son père. Le récit emprunte ainsi une tournure plus dramatique tout en restant mesuré, le dessinateur ne s'enfonçant jamais dans le pathos mais parvenant à capter avec fluidité un monde autoritaire qui tente de reprendre appui sur les cités-digues. Au fil de l'eau, nous suivons ceux qui voyagent et ceux qui restent coincés sur la terre ferme en attendant une seconde partie qui promettra également son 'l'eau"  d'émotions.  

En bref

L'âge d'eau, première partie, nous entraine vers une ballade aussi poétique que sincère, toujours dans le ton juste et franc sans être dénué de poésie, voir même de mysticisme. C'est une ouverture réussie porté par des personnages haut-en-couleurs qui dérivent tranquillement vers leur liberté. Quelques questions sont en suspense mais elles se laissent aisément flotter face à la beauté de ce voyage. Un très jolie cru bd de la part de Mr; Flao.

10
Positif

Un, récit de voyage qui rappelle autant l'exotisme d'Hugo Pratt que les rapports humains de Jean-Pierre Gibrat

Les immenses planches de nature infinie qui nous pousse inévitablement à la rêverie

Une qualité certain au niveau des dialogues avec des cases justes et touchantes par leurs simplicité et leur bienveillance

Negatif

Un léger ton un peu mystique qui sans noyer le récit le fait légèrement dériver au départ

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