Mon destin et ma famille m'ont confié cette ville. Je la dirige comme je l'entends...

Dans la guerre contre le crime à Manille, les inspecteurs de la criminelle ont besoin d'aide pour résoudre les affaires les plus étranges. Les prédateurs les plus redoutables et les plus monstrueux sont poursuivis par Alexandra Trese. Toujours flanquée de ses gardes du corps, elle enquête sur les morts d'origine surnaturelle et tente de maintenir l'équilibre entre les deux mondes. Voici leurs histoires...

De la bande dessinée philippine, je connaissais principalement les talentueux dessinateurs qui ont proposé leurs services aux éditeurs américains dans les années 70, les Nestor Redondo, Alfredo Alcala, Ernie Chan, Alex Nino ou encore Tony DeZuniga. Il y a toute une production qui peine à traverser les frontières mais certains titres ont bénéficié d'une publication aux Etats-Unis ce qui est le cas de Trese, Delcourt se basant sur l'édition Ablaze Publishing. La diffusion sur Netflix d'une adaptation en série animée (dont j'ai découvert l'existence après l'annonce de cet album) a peut-être été un élément déclencheur dans la décision de Delcourt de proposer Trese aux lecteurs français et c'est de toute manière une initiative à saluer.

D'un éphémère podcast qui racontait des histoires fantastiques à la Quatrième Dimension, le scénariste Budjette Tan a fait évoluer l'univers de Trese en suivant notamment les conseils de son dessinateur Kajo Baldisimo qui lui a suggéré de faire du personnage principal une femme (à l'origine, Anton Trese était le nom du narrateur de l'émission radiophonique). Dans la tradition des détectives dur-à-cuire des récits noirs, Alexandra Trese est une consultante pas comme les autres et l'un des aspects les plus intéressants de ses enquêtes est la découverte des nombreuses créatures du folklore philippin (mais pas que puisque l'un des chapitres rend hommage à la super-héroïne Darna). 

Budjette Tan a judicieusement pensé aux néophytes en concluant chaque épisode par des extraits du journal du professeur Trese (père d'Alexandra), ajouts très instructifs qui donnent tous les détails qu'il faut pour en savoir plus sur les différents représentants de la mythologie philippine  rencontrés au fil des pages.

Si l'aspect "procédural" n'évite pas quelques petites répétitions dans la structure des histoires et que le dessin n'est pas toujours maîtrisé (avec quelques pages un brin inégales dans le Livre II alors que Baldisimo en signe de très belles dans le Livre I), cet univers est riche, intrigant et prenant, avec une atmosphère bien travaillée, à la fois mystérieuse, horrifique et parfois empreinte d'une certaine tristesse; des monstres et manifestations paranormales aux designs variés et accrocheurs; des scènes d'action nerveuses et une menace globale qui se dessine comme le laisse entendre un final qui donne envie de retrouver Alexandra Trese et ses Kambal pour un second volume...