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Critique de À Tire-D'aile

par Tampopo24 le lun. 4 avril 2022 Staff

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Fable gothique et objet d'art

Ouvrage très arty au premier abord, A tire d'aile est un petit bijou dans bien des sens. C'est un très bel objet graphique, un très bel ouvrage quasi cinématographique dans son découpage et une très belle histoire à l'ancienne poignante et bourrée de référence. Merci à Noeve Grafx d'avoir osé l'éditer.

Je ne connaissais pas la genèse de ce projet, mais A tire d'aile est l'adaptation par une autrice de grand talent d'une nouvelle d'un grand auteur Japonais du début du XXe siècle : Tatsuo Hori, qui lui même était fan de culture française et de grands auteurs de chez nous comme Proust et Cocteau, ce qui se retrouve dans le ton de son histoire. Il a lui-même inspiré de grands artistes comme Miyazaki. La boucle est joliment bouclée et nous nous retrouvons avec un très bel objet entre les mains.

Ce qui interpelle en premier lieu, c'est la beauté de l'ouvrage édité par Noeve Grafx , dans un grand format avec jaquette à effet de surimpression, l'impression à l'intérieur est parfaite pour rendre la profondeur des noirs très noirs de l'autrice et j'en remercie les éditeurs car ce n'est pas toujours le cas chez les autres éditeurs et même chez eux où j'ai eu récemment un loupé avec encre bavante sur A tail's tale. Mais ici, c'est vraiment parfait, ce qui ajoute une belle note à ce bel objet.

Puis quand on ouvre celui-ci, on tombe sur une histoire puissante aux nombreuses ambiances, qui remue forcément. Nous suivons un groupe d'enfants, un peu comme dans les romans à l'ancienne du Club des cinq, Fantomette ou encore des Malheurs de Sophie, qui joue à reproduire les scènes d'un film pour s'amuser. Ce film Zigomar de Léon Sazie a vraiment existé et eu son succès en France et surtout au Japon. Le leader de ce groupe, ou plutôt celui qui fascine tout le monde par son charisme, c'est Gigi, un jeune garçon plein de fougue, qui respire la liberté. Pourtant en dehors de leurs jeux d'enfant, il n'a pas une vie facile, élevé seul par une mère mourante. Quand celle-ci disparaît, le drame se met en branle.

Dans cette nouvelle, les auteurs jouent à fond à la fois sur une dimension fantastique avec la noirceur dans laquelle plonge le héros, une fois sa mère disparue, le tout accompagné d'une nuée de volatiles, mais également sur un je ne sais quoi d'ero-guro dans son graphisme tellement aspiré de la mode des années 1910-1920. C'est froid, millimétré, séduisant et dérangeant à la fois, telle des poupées de cire issues d'un cirque gothique à l'ancienne. Très malaisant mais vraiment percutant ! Pourtant, l'histoire n'a rien d'un ero-guro, on est juste dans du pur drame gothique et quelle superbe mise en scène pour nous le conter.

Le talent d'Ikuki Hatoyama explose sur chaque page lorsqu'il est question de mettre en scène la noirceur et la folie dans laquelle plonge son héros. Gigi fascine autant qu'il fait peur. Il suscite ces émotions aussi bien sur le lecteurs que sur ses anciens camarades de jeux. Mais surtout, il prend aux tripes dans son voyage sans retour, dans sa spirale infernale où il reproduit le regard fou les vols de son héros cinématographique dans la peau duquel il s'est glissé. C'est terrible d'assister à cette chute interminable et inéluctable. Ses amis et en particulier Kiki, celui qu'il fascine le plus, y assistent impuissants. Le seul tentant d'y mettre fin est un homme inconnu, passant par là, mais qui est tellement malaisant qu'il va plutôt provoquer sa chute.

Nous lecteurs, on assiste à celui-ci le coeur un peu au bord des lèvres. On sent d'emblée la tragédie de cette histoire car le trait de l'autrice ne peut conduire qu'à cela. Cette sombre ambiance fantastique, gothique et un brin circassienne se confond avec la figure du héros et les pages le mettant en scène. Plusieurs pages resteront imprimées dans ma rétine tant leur découpage m'a marquée et impactée. J'ai en particulier adoré sa séquence dans l'attraction des miroirs ou quand il surgit sur la patinoire. C'est du grand art !

Pour autant, l'histoire à également quelque chose de fort classique, prévisible et un peu froide tout de même car les visages aux expressions soient froides soient totalement exagérées des personnages empêchent de vraiment créer une cohésion avec le lecteur, ce qui nous fait rester parfois un peu en dehors émotionnellement.

En bref

Je ne peux que saluer l'arriver de ce oneshot et surtout de cette autrice illustratrice de talent dans le paysage français. Ikuko Hatoyama me permet enfin de savoureux une esthétique ero-guro gothique arty sans avoir une histoire trop rude pour mon coeur sensible. Ici, la profonde noirceur de son récit se couple d'un drame émouvant et inéluctable inspiré de la littérature enfantine pour donner lieu à une fable tragique sur les malheurs de l'enfance et de la perte d'un être cher. Un très très bel objet.

8
Positif

Un bijou d'impression et réalisation

Un très beau projet derrière l'histoire

Une artiste très douée

Des dessins arty, inspirés de l'ero-guro et de la mode du début XXe

Une histoire poignante et déchirante sur fond d'inéluctabilité

Une belle ambiance poétique et fantastique

Un découpage à couper le souffle

Negatif

Une histoire peut-être un peu classique et prévisible

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