Nous sommes à l'ère du troisième Ragnarök...

Avant de reprendre la série The Mighty Thor en 2010, le scénariste Matt Fraction s'était déjà illustré sur les aventures du fils d'Odin via une suite de trois one-shots interconnectés dont le titre de travail était Tales of Asgard, avant que cette appellation, qui rendait hommage à la back-up historique des comics de Thor, soit finalement abandonnée. Avec Ages of Thunder, Reign of Blood et Man of War, Fraction a construit son récit autour de la nature cyclique de la mythologie nordique et du Ragnarök, le crépuscule des Dieux. 

C'est ainsi que se déroulent des événements qui paraissent familiers (Loki restera toujours Loki par exemple) mais racontées d'une manière différente, avec une note de désespoir et une violence qui correspondent au caractère d'un Thor brutal, arrogant, qui parle peu et qui est consumé par une colère qu'il ne peut canaliser. Les scènes qui expriment le mieux la personnalité de cette version du fils d'Odin sont celles du Colosse de Sang dans Reign of Blood, marquées par des visuels épiques de fantasy mâtinés d'horreur et par des références bienvenues au cinéma de Ray Harryhausen (Thor affronte une armée de squelettes en commandant une créature cauchemardesque). 

Odin, Loki le manipulateur, la mélancolique Enchanteresse sont les principaux personnages mis en avant par Matt Fraction dans sa trilogie (les Trois Guerriers et Balder le Brave ont un rôle plus secondaire), apportant autant de nuances aux ambiances de ces "Contes d'Asgard". Et au final, on revient à cette opposition entre un père et son fils bouffi d'orgueil à qui il apprendra l'humilité au terme d'un combat spectaculaire. Une expérience qu'il a du réitérer d'une époque à l'autre, dirait-on (même si Fraction a précisé que son projet n'était pas entravé par la continuité)...d'un Ragnarök à l'autre...

Les trois one-shots sont à chaque fois composés de deux chapitres. Patrick Zircher est le dessinateur que l'on retrouve à chaque partie et il a livré là quelques unes des pages les plus puissantes de sa carrière. Je suis moins convaincu par Khari Evans (sur Ages of Thunder et Reign of Blood), un peu plus par Clay Mann au trait élégant (et ses Valkyries sont bien évidemment superbes) sur la première partie de Reign of Blood.