Justice poétique

Les auteurs du « coup de Prague » reviennent dans cette BD sur un scandale, mêlant, dans l’Angleterre des années soixante, espionnage et liberté ou dépravation sexuelle, selon les points de vue.

Le docteur Ward est ostéopathe et portraitiste, et il est apprécié, dans son métier et son art, par la gentry britannique. Homme à femmes, il tombe amoureux d’une jolie jeune fille, dont il devient le pygmalion. Il lui donne tous les codes de la bonne société et l’introduit dans le monde.

A un moment, il est sollicité par les services secrets de sa majesté, pour surveiller un espion russe. Il utilise alors la jeune fille, avec son consentement. Les fréquentations de cette dernières, sa propension à user abondamment de substances illicites et à s’amouracher de mauvais hommes, la fond redescendre de cette situation mondaine, entraînant dans sa chute le docteur.

En avance sur son temps, puisqu’en 1963 seulement, la notion même de rapports sexuels est inventée, et que par la suite, la génération sexe drogue rock and roll tiendra le haut de la scène, il aura certainement été l’un des acteurs, à sa manière, de l’éclosion de la liberté sexuelle.

Le dessin surprend ; Tout en ombres et lumières, les visages prennent vie, les corps libres sont magnifiés, tandis que les membres, guindés, d’une aristocratie anglaise de titres ou de pouvoir, semblent statufiés dans une rigueur de façade, cachant mal le déclin de cette oligarchie.

Le docteur Ward a été, semble-t-il, le bouc émissaire d’un scandale d’état, étouffé, comme d’autres, sur l’hôtel de la sacro-sainte stabilité et de la bienséance de façade. Lui qui n’a jamais pu donner sa version, devient la voix off et le protagoniste principal de cette BD, pour permettre une justice poétique à défaut d’une réhabilitation.