Sorcières et préjugés

Dans le monde des mangas de sorcières, les éditeurs nous ont gâté avec des titres plus variés les uns que les autres, mais au point aussi d'en devenir un peu classique ces derniers temps. Cependant, parfois dans les classiques se trouve un titre qui a le petit truc en plus pour se faire remarquer. C'est le cas de Marie la sorcière dont l'humour décalé et les informations on ne peut plus vraies se mélangent avec saveur !

Pourtant avec tous les titres un brin clichés qui courent sur nos étagères, je ne partais pas forcément confiante. C'était plutôt les jolis effets de couverture avec leurs côtés métallisés rappelant également les anciennes tapisseries qui m'avaient plu. Je ne m'attendais pas à trouver également un récit à la hauteur.

Pourtant Azumi Kobayashi sous des dehors de conte drolatique nous propose ici une belle critique de nos préjugés. Reprenant ceux des croyants de la Renaissance sur ces femmes qu'on appelait sorcières, elle se plaît à les déconstruire avec une héroïne, Marie, qu'on pourrait qualifier de sorcière de part ses pouvoirs mais qui dit elle-même qu'elle n'en est pas une car elle n'est pas "mauvaise". Elle fait aussi le distinguo avec le terme de sorcière désignant les personnes méchantes et celui qualifiant les femmes différentes parce qu'elles aiment la solitude ou connaissent les plantes. C'est excellent !

L'autrice nous invite alors à suivre son héroïne dans son quotidien qui va régulièrement être bousculé par de petites aventures qui vont mettre à mal son identité cachée. Aidée du corbeau qui veille sur elle, puis du chat qu'elle va sauver, elle va tenter d'aider son prochain tout en déjouant l'enquête menée par le soldat de dieu qu'elle a sauvé au début de l'histoire. C'est décapant. De plus, chemin faisant, l'autrice en profite pour nous en apprendre plus sur les moeurs de l'époque : les procès, les tortures, les croyances, etc. C'est présenté un peu abruptement mais ça reste juste et intéressant.

Cependant, ce qui fait la saveur du titre, c'est le mélange entre ces éléments et l'humour distillé par la mangaka. Il est super drôle de voir son héroïne souvent à côté de la plaque, faisant bourde sur bourde. Le valeureux soldat est comme elle, donc les deux font la paire et c'est très drôle, parce qu'en plus ce dernier essaie de faire preuve d'un grand sérieux. Et c'est sans parler du chat qu'elle recueille qui cherche à la manipuler pour devenir le maître à sa place. Truculent !

Les dessins sont à l'aune de cela, ils sont le reflet de tout cet humour. Marie ressemble énormément à Kitaro le repoussant, personnage de manga culte. Son chat alterne bouille mignonne et flippante. Le soldat est le cliché du croyant jusqu'au-boutiste avec sa tête toute carrée et sa coiffure ridicule. En revanche, décors et créatures sont soignées et l'autrice a de l'imagination.