Que deviendrait le monde sans oiseaux

La couverture invite à la lecture et au voyage. Comme Salomone nous l’avait montré sur ‘’l’homme qui n’aimait pas les armes à feu’’, il aime travailler les détails dans ses dessins et réalise parfois de véritable œuvre d’art. C’est le cas ici. On voit cette femme parée en princesse avec une robe magnifique et des bijoux autour du cou qui est assise sur un trône magnifiquement travaillé et entourée d’une nuée d’insectes. L’étrangeté de la scène provient de cette moue blasée, ces sourcils froncés, qui interrogent et questionnent le lecteur sur ce qu’il risque de découvrir à l’intérieur.

L’histoire est originale, une reine enceinte perd son mari. Elle devient une jeune veuve mère de jumeaux. Ils deviennent toute sa vie. Elle décide de leur offrir à chacun d’entre eux un oiseau volcan, superbe oiseau coloré. Hélas, en jouant avec le sien, le jeune garçon, Gorakh, perdra la vie. L’immense chagrin de la reine de perdre à nouveau un être cher lui fera prendre une décision déraisonnable. Elle ordonne de faire tuer tous les volatiles du royaume. Commence alors un règne de silence et de maladie dans lequel les insectes se multiplient en l’absence de leurs principaux prédateurs.

Cet album, c’est avant tout le plaisir des yeux. Le dessinateur nous offre tout un univers à l’aquarelle empli de couleurs multiples et variées. Les dessins sont soignés, détaillés, et apportent beaucoup de fraîcheur. Cela contraste d’ailleurs avec le tragique de l’histoire et la disparition des oiseaux du monde. L’auteur a choisi d’identifier les différents chants d’oiseaux par des bulles et des notes écrites (Do, ré, mi, ….) dans une police qui fait penser aux écritures arabes de sorte qu’on a beaucoup de mal à les identifier. Il a de plus coloré les lettres pour accentuer un peu l’effet du nombre varié de chants, mais je trouve ce dernier rendu peu réussi.

Côté scénario, on a un univers qui invite au voyage, dans un royaume qui était joyeux. Les couleurs et la vie qui fourmillent sous les doigts du dessinateur contribuent à ce sentiment que le lecteur partage. Les personnages principaux sont peu nombreux. Il y a la reine, bien sûr, qu’on voit au fil des pages perdre la raison, puis il y a sa fille, Jalna, dont la personnalité est trop peu développée à mon goût. Enfin, il y Akbar, un voleur dont le personnage est davantage décrit et qui apporte un peu de consistance à l’histoire, par ce qu’il vivra au fil des pages mais aussi par son passé. L’histoire est légère mais poétique. Un drame tragique autour de cette famille qui ne s’est jamais vraiment construite. La vie ne le leur a pas permis.

La fin est touchante, le dénouement surprenant et un peu idyllique. Les dessins sont superbes et la colorisation réussie. C’est tout cela qui donne un peu d’intérêt à l’album. Le reste est un peu léger à mon goût et manque de consistance. C’est un doux mélange qu’a voulu effectuer le scénariste, un mélange d’aventure et d’exotisme, avec un peu de travail sur la psychologie des personnages, la passion amoureuse et également un peu d’écologie autour de l’absence des oiseaux et ses conséquences. Mais il ne fait qu’effleurer ces sujets si bien qu’il sera peut-être difficile pour cet album de trouver un profil de lecteur qui sera séduit. Un peu dommage, il y avait de jolies promesses au départ de l’album.