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Critique de La guerre des paysans

par vedge le lun. 21 nov. 2022 Staff

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Omnia sunt communia

C’est d’abord le dessin qui nous saisit. Libergé ajoute à la précision du trait des décors, la vibrante vie des visages, transfigurés par les sentiments ; De l’innocence du jeune dessinateur aux mensonges coupables du bonimenteur vendeur d’indulgences. Sous sa plume, les personnages prennent vie et ce ne sont plus des phylactères que l’on lit, mais des voix différenciées que l’on entend. Il y a peu de dessinateurs qui, comme lui, font prendre vie au récit et aux personnages. Certaines cases, comme celle du haut de la page 38, ressemblent à un tableau école Caravage, dans le traitement de la lumière, ou de Géricault dans les corps entremêlés. Le discours du bonimenteur est illustré d’images dignes de l’enfer de Dante. Quant aux visages, on peut, je pense, rester pétrifié, subjugué, dans la limpide beauté de celui de la page 59.

Le récit, ensuite, nous amène, aux côtés d’un jeune italien, dessinateur, envoyé par le Pape en Allemagne, pour surveiller la gestion de la vente des indulgences qu’il a confié à un évêque local. Le jeune homme devient, pour le Pape, espion infiltré en quelque sorte. L’époque décrite est celle de la réflexion sur la Réforme protestante, de Martin Luther, contre les indulgences, jugées par lui contraire au message chrétien, et au seul but lucratif. Très vite, ses écrits traduits du latin en langage courant, se propagent et enragent le Pape, qui compte sur les indulgences pour bâtir la cathédrale Saint-Pierre à Rome. De plus, là ou Luther parle de théologie, rejetant les paysans au range de bêtes, seulement différenciées par l’absence de cornes, un moine, Thomas Münster, souhaite, lui, profiter de cela pour soulever le peuple, partant du principe que « tout est à tous ». Outre cela, les deux hommes souhaitent rendre accessible la Bible et la messe en traduisant les deux dans la langue parlée par tous, l’Allemand et non le latin. Ils veulent de plus, au maximum, supprimer les intermédiaires pour que chacun puisse s’adresser à Dieu sans passer par la hiérarchie catholique. Enfin, là où les catholiques parlent de rachat pécunier de fautes, Luther parle de grâce et de prédestination. Beaucoup de clivages qui mettent en péril le pouvoir et la richesse de l’église catholique romaine.

Ainsi se poursuivent des quêtes parallèles, l’une théologique de Luther, l’autre de révolte pour Münster, dont on sait pour chacune, le nombres de guerres sanglantes qu’elles engendreront. Cette fronde, cette juste révolte, ne fera pas exception, car la raison du plus fort est toujours la meilleure (Lafontaine).

La religion et la faim, la transcendance et le quotidien, fin du monde et fin de mois : les moteurs des révoltes, évolutions, réformes, et révolutions changent peu si ce n’est pas.

Une BD superbe où la forme le dispute au fond. Des cases somptueuses pour narrer les prémices de la Réforme protestante en Allemagne, amenée par Luther et de la révolte des petites gens contre le pouvoir et les dérives de la noblesse et du clergé, qui seront le terreau de la révolution du tiers-état en France deux siècles plus tard.

En bref

Une BD superbe où la forme le dispute au fond. Des cases somptueuses pour narrer les prémices de la Réforme protestante en Allemagne, amenée par Luther et de la révolte des petites gens contre le pouvoir et les dérives de la noblesse et du clergé, qui seront le terreau de la révolution du tiers-état en France deux siècles plus tard.

9
Positif

Des dessins époustouflants

Un récit édifiants

Negatif

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