8

Critique de The Funeral Concerto

par Tampopo24 le dim. 11 déc. 2022 Staff

Rédiger une critique
Accompagner les morts avec humanité et soigner les vivants

Quand le jeune éditeur Nazca a sorti il y a quelques mois Blossom de D.S., il a trouvé écho en moi : beau livre, histoire au message fort, doux dessins, c'était une bien belle recette. Alors quand ils ont annoncé l'arrivée d'un nouveau titre qui présentait beaucoup de similarités avec le précédent, j'ai eu envie de me le procurer également. Ai-je bien fait ? Tout à fait car ce titre m'a à nouveau beaucoup émue.

Avec Funeral Concerto, Rimui Yumin nous propose cette fois une incursion dans les traditions mortuaires taïwanaises. Après l'intersexuation et le mariage pour tous de D.S. qui permettait aussi de plonger au coeur d'un pan de la société taïwanaise, l'éditeur semble avoir trouvé un joli filon, qui personnellement me plaît énormément car il me permet de mieux appréhender cette culture différente de la mienne. Je ne dois pas être la seule car Funeral Concerto a également remporté la médaille d'or au "14th Japan International Manga Award."

Dans ce oneshot assez conséquent, proposé ici en grand format avec deux petites pages en couleur en introduction, Rimui Yumin nous prend la main pour aller à la rencontre du travail des pompes funèbres taïwanaises et d'une de ses entreprises sur les près de 4000 que compte le pays. Avec la même douceur que le suggère la couverture, nous allons découvrir comment ils prennent aussi bien soin des morts que des vivants dans le respect de chacun. Sans jamais tomber dans le trop, l'autrice évoque avec sobriété et doigté leur dur travail qui est sans cesse à la limite de quelque chose. C'est très bien fait.

 Assez classiquement pour pénétrer dans cet univers, l'autrice utilise une nouvelle employée, une jeune étudiante qui vient d'abandonner ses études en droits pour tenter de vivre sa passion pour la musique et ce contre l'avis de parents assez sévères. A travers elle et son regard innocent, nous allons aller à la rencontre des traditions taïwanaises concernant l'enterrement ou la crémation des défunts et voir aussi bien les anciennes que les nouvelles coutumes et les raisons de cette évolution. C'est passionnant. L'autrice parvient à intégrer cela dans de belles histoires émouvantes et touchantes à chaque fois où se mélangent courtes histoires et fils rouges sur l'ensemble du tome. C'est très bien écrit et pensé.

Même s'il y a beaucoup de douceur dans ce titre, l'autrice ne nous épargne rien. Elle évoque bien l'ensemble des aspects de ce métier, du rapport au corps qu'on trouve qui peut être une expérience assez rude, jusqu'à sa préparation, la rencontre avant, pendant, après avec la famille, la distance à avoir avec elles, etc. C'est très riche et ça sonne juste. De part la jeunesse de la nouvelle recrue, il y a en plus un regard neuf sur ce travail et certains automatismes et conseils sont remis en question par elle pour faire évoluer ce métier dans la bonne direction, ce qui confère beaucoup d'émotion.

Il faut dire que Rimui Yumin ne se contente pas du récit quotidien de ce travail, elle y mêle aussi les histoires personnelles de chacun. On découvre ainsi à travers Lin Chu-Sheng la pression parentale vis-à-vis des études et d'une future carrière. Avec son patron, Yang-Quing, on aborde le rôle d'aidant auprès d'un parent malade et potentiellement en fin de vie. Il y a également la situation de leur collègue A-Shan, qui a perdu sa mère très tôt et n'avait pas les moyens de payer la cérémonie et trouva une solution originale. Puis au fil des rencontres avec leur travail, on croise avec émotion une petite fille qui fait de la chimio et doit passer en soins palliatifs, la mort de personnes seules à leur domiciles, des histoires de familles complexes ou encore un jeune homosexuel qui a voulu se suicider. C'est un large panel de situations qui est évoqué et il l'est toujours avec émotion et finesse, grâce à un joli travail sur la psychologie, le deuil, les soins des souvenirs du morts mais aussi des conséquences présentes sur les vivants, le tout sans que cela sonne artificiellement bien au contraire et c'est ce qui fera la force et la beauté du titre.

De plus, on aurait pu craindre quelque chose d'anecdotique avec des histoires aussi lues aussitôt oubliées mais l'ensemble tisse un jolie toile autour du personnel de ces pompes funèbres avec un joli message sur l'évolution du métier quand de nouvelles forces viennent les rejoindre. L'autrice met un point d'honneur à lier leur propre vie, leurs propres sentiments à leur travail afin que ce ne soit pas seulement un job alimentaire où ils agiraient par automatisme mais que ce soit plutôt fait avec humanité. J'ai beaucoup aimé.

En bref

Pour la seconde fois, les éditions Nazca ont su choisir un beau texte de société sur Taïwan où après avoir évoqué des questions d'identité genrée et sexuelle, ils abordent ici la question du deuil et de la mort avec beaucoup de finesse grâce au travail soignée et touchant de Rimui Yumin. Ça commence à faire une jolie collection. S'ils choisissent avec autant de soin que celui apporté par nos employés aux défunts comme aux vivants, leur prochain titre devrait à nouveau être une petite merveille.

8
Positif

Un éditeur qui choisit bien ses titres

Un thème original

Une plongée dans la culture taïwanaise

Des parcours de vie touchants

De belles rencontres

Un discours touchant sur la mort et le deuil

Negatif

Tampopo24 Suivre Tampopo24 Toutes ses critiques (1649)
Boutique en ligne
9,50€
Boutique en ligne
9,50€
Boutique en ligne
9,50€
Boutique en ligne
9,50€
Laissez un commentaire
Commentaires (0)