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Critique de Brancusi contre États-Unis

par ginevra le lun. 27 févr. 2023 Staff

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Un procès étrange dont l'art est finalement sorti vainqueur

Cet album raconte le bizarre procès que la sculpter Brancusi a intenté contre les États-Unis. En 1927, une grande exposition de ses œuvres devait avoir lieu à New York dont une statue nommée oiseau dans l'espace. La forme de la sculpture en bronze et son poli fait que les douanes ne la considère pas comme une œuvre d'art et donc exonérée de droits de douane, mais comme un objet manufacturé pour un montant d'environ 400$ de l'époque (soit environ 4000$ de nos jours). Le procès doit statuer sur le fait que c'est bien une œuvre d'art d'un artiste reconnu…

Je ne connaissais pas ce procès vraiment spécial où témoins de part et d'autre ont défendu ou non le fait que l'art peut être non figuratif. L'avocat défendant les intérêts de l'État a fait plusieurs fois des comparaisons de l'œuvre en bronze avec une barre d'escalier en laiton bien polie… comparaison plutôt originale. J'ai cherché une image sur internet de ce fameux oiseau et je peux comprendre qu'il ait pu déconcerter des gens habitués à des sculptures plus figuratives. De nos jours, ce débat semble complètement aberrant au vu de la multitude d'œuvres d'art non figuratives présentes dans nos musées.

Pour une première bande dessinée, je dois dire qu'Arnaud NEBBACHE a fait très fort. Il fait découvrir à un grand public l'existence de ce procès hors normes et il semble qu'il respecte à la lettre les échanges qui ont eu lieu. Cela n'améliore pas l'opinion mitigée que j'avais envers les services douaniers des États-Unis vu les problèmes qu'avaient pu avoir quelques collègues. Le style graphique de l'auteur est très intéressant avec des personnages sans forcément de contours et avec quelques éléments dessinés. Il faut beaucoup de talent pour arriver à un tel résultat. Il a choisi d'alterner des passages avec des cases bien sages et classiques avec d'autres sans aucune case. Les décors sont réduits au minimum pour mettre l'accent sur les discussions. La colorisation est parfois surprenante et très vive.

Je n'ai pu m'empêcher de penser à une chanson du canadien Félix Leclerc : "Contumace" (à écouter sur youtube : https://www.youtube.com/watch?v=244yv7YKIxY). Dans la chanson, le 1e personnage philosophe et est mis en prison parce que :

"Pour philosopher apprenez

Qu'il faut d'abord la permission

Des signatures et des raisons

Un diplôme d'au moins un maison spécialisée..."

Le 2e chantonne et est mis aussi en prison parce que :

"Ti-Jean, Ti-Jean, te voilà bien mal pris

Parce que tu chantes sans permis

As-tu ta carte ? Fais-tu partie de la charte ?

Tu vois bien, mon Ti-Jean Latour

Faut qu'tu comparaisses à la cour

Apprends que pour d'venir artiste

Faut d'abord passer par la liste des approuvés..."

Quand des représentants d'un état commencent à se soucier de ce que sont les arts et à juger de ce qui est correct ou pas, on est en droit de craindre une dictature en devenir avec les autodafés de livres ou tableaux ou autres œuvres considérés comme "dégénérées" (exposition de l'Allemagne nazie) ou dévoyant la jeunesse ou toute autre raison aussi fallacieuse que les précédentes (voir la réécriture des romans de Roald Dahl au Royaume-Uni).

Un album à découvrir particulièrement pour son sujet et pour son traitement graphique.

En bref

Ce premier album d'Arnaud NEBBACHE est doublement passionnant : pour le traitement graphique original et intéressant d'abord et pour cet étrange procès dont la liberté de l'art est finalement sortie victorieuse. Passionnant de bout en bout.

8
Positif

traitement graphique

sujet du livre

Negatif

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