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Critique de Batman – one bad day : le sphinx

par Ben-Wawe le ven. 24 mars 2023 Staff

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Une redéfinition nihiliste et brutale du Sphinx, pour un récit sans concession et proche du point final entre Batman et l'Homme-Mystère

Urban Comics propose une nouvelle collection centrée sur Batman, et notamment ses super-vilains : Batman – One Bad Day.
En référence au fameux propos du Joker dans Batman – The Killing Joke, sur « la mauvaise journée » qui peut changer n'importe qui, ces histoires font toutes 64 pages et disposent d'équipes artistiques de renom. Chacun de ces épisodes spéciaux se veut une histoire « absolue » sur le super-vilain concerné, ce que l'on peut comprendre comme une approche définitive, une conclusion ou une définition totale du concept.
L'on ne sait pas encore si ces récits sont en continuité ou non, entre eux ou vis-à-vis des séries mensuelles, mais la collection ne relève pas du fameux DC Black Label. L'ensemble débute ici par un tome troublant et intense, réalisé par une équipe créative connue et récompensée, qui ose aller loin dans ses propositions.

Batman – One Bad Day : Le Sphinx est ainsi dessiné par Mitch Gerads et écrit par Tom King, qui a livré un très long passage sur Batman Rebirth, mais est aussi derrière Mister Miracle, Sheriff of Babylon (tous déjà avec Mitch Gerads), Rorschach et bien d'autres. Le scénariste se spécialise dans les intrigues en 12 épisodes, souvent auto-contenues et intenses.
Le duo se reforme ainsi pour 64 pages sur le Sphinx, et... il est certain que la lecture ne laisse pas insensible ! De nombreuses questions naissent après avoir terminé le tome, qui se révèle comme une histoire puissante, terrible, mais aussi nihiliste dans son approche définitive des personnages.

Mais de quoi parle Batman – One Bad Day : Le Sphinx ?
John Oates part plus tôt de son travail pour aller chercher sa fille, qui se dit malade pour ne pas aller à son entraînement de football. Il discute par téléphone à sa femme, pour trouver comment gérer cette pré-adolescente... mais John ne le saura jamais.
Parce que le Sphinx s'est approché de lui en pleine rue et, sans rien dire, sans motif, Edward Nygma le tue d'une balle en pleine tête. Pour, ensuite, attendre d'être arrêté.
Le Sphinx exige de parler à Batman, qui refuse ; ce qui intensifie sa détermination. Nygma révèle son potentiel de nuisance en semblant tout connaître, tout savoir sur tous ceux qui l'entourent... alors que Bruce Wayne assiste à l'enterrement de sa victime, puis enquête sur les récentes activités du tueur.
L'absence d'énigme les trouble, lui et le commissaire Gordon, tandis que des flashbacks révèlent les dessous de l'enfance d'Edward Tierney. Ce fils du directeur d'une académie d'exception est un brillant élève, mais dont les notes baissent face aux interrogations d'un professeur qui glisse des devinettes que le jeune homme n'arrive pas à résoudre...

On le comprend, la lecture de Batman – One Bad Day : Le Sphinx est troublante et marquante.
Tom King emmène le lecteur dans une atmosphère terrible, brutale, complètement étouffante. L'on se rapproche sur bien des aspects de l'ambiance du film The Batman de Matt Reeves, notamment sur le côté désespéré et pourri d'une ville exsangue. L'on a également un Sphinx plus vicieux, plus violent, plus terrible, mais des divergences lourdes demeurent.
Déjà, nous reviendrons sur le graphisme, mais les couleurs ont une dominante verte, alors que le film versait dans la rougeur. Surtout, le Sphinx de Tom King ne fait plus de devinettes – et le scénariste révèle pourquoi il en faisait avant. Bien vu mais désespéré.

Tom King fait ainsi du Sphinx son personnage principal, avec un Batman présent (et dont le visage civil ressemble pour Mitch Gerads à celui de l'acteur John Hamm) mais essentiellement passif et surpris durant la majorité du récit.
Edward Nygma est bien entendu un pseudonyme, et le passé qui est révélé permet de mieux comprendre les psychoses d'un être brillant, mais qui n'a jamais su trouver comment vivre pour lui-même. Le lecteur peut ainsi déduire beaucoup de la fixation des énigmes au vu du rapport passé entre Edward et le professeur sympathique et fan de devinettes. Le fait qu'Edward ait échoué les concernant peut expliquer qu'il en fasse le cœur de ses actes, comme une revanche sur le passé. Bien vu.

Le scénariste assume complètement l'aspect jusqu’au-boutiste de cet épisode spécial, en révélant l'origine complète d'Eward (et notamment son rapport complexe à sa mère), mais aussi en le faisant aller loin... trop loin.
Beaucoup de lecteurs VO ont réagi à une annonce dès les premières pages du récit, liant le Sphinx à Batman – The Killing Joke. Au-delà de cet effet un peu cosmétique, artificiel, Tom King le fait renoncer aux énigmes pour développer complètement son esprit, ses connaissances et son potentiel de nuisance.
Cependant, à force de tirer sur une corde, elle se rompt – même les plus fortes. Même la miséricorde d'un Batman qui refuse de le laisser agir sans être puni pour ses crimes.

Batman – One Bad Day : Le Sphinx se révèle un récit intense, étouffant, mais complètement passionnant. Une approche nihiliste et définitive du personnage, au point que le lecteur doute sincèrement que cela puisse être en continuité.
Le flou, cependant, sur le statut du récit vis-à-vis de la continuité demeure quelque peu gênant, tout autant que le statut du Sphinx après tout ceci. Car, fondamentalement, sans ses devinettes, Edward demeure un super génie maltraité par papa, sans maman, et qui cherche à se venger de ses maux passés en dominant tout le monde. C'est assez... commun, en soi.
Le récit est fort et puissant, mais « vide » quelque peu le Sphinx de ce qu'il est ; et de ce qui le sort de la masse des méchants de fiction. Un sentiment un peu étrange, qui laisse songeur.

En parallèle, Mitch Gerads propose un graphisme très léché et réussi.
Le dessinateur n'est pas orienté sur l'action, et quelques moments demeurent flous lorsque les personnages agissent rapidement ou au corps-à-corps. Ces quelques défauts sont amplement compensés par une ambiance formidable, avec une atmosphère envoûtante, oppressante et complètement terrible.
C'est beau sans l'être, c'est intense, c'est puissant et totalement adapté au nihilisme du récit. Son Sphinx est terrible, son Batman est terrifiant, et les dernières pages d'une violence psychologie absolue sont amplement réussies.
Un dessin troublant pour un récit troublant ; l'idéal, donc.

En bref

Batman – One Bad Day : Le Sphinx est un formidable récit. Troublant, intense, nihiliste, il ne laisse pas insensible, et est une lecture complètement passionnante. Le graphisme est spécifique mais totalement adapté au récit. Non pas une resucée de la version du film de Matt Reeves, cette version du Sphinx est bien absolue et définitive... même si l'on peut s'interroger sur ce que cela fait de lui après tout ceci.

8
Positif

Un récit intense, puissant, étouffant et complètement réussi.

Une approche absolue et définitive du Sphinx, très bien défini.

Un duo d'auteurs en osmose complète, qui livrent un épisode passionnant.

Negatif

Un Batman un peu trop en retrait, même si cela correspond au propos du récit.

Un questionnement sur le lien avec la continuité, notamment au vu d'un final qui pourrait être sans concession et nihiliste.

C'est bien une version absolue et définitive du Sphinx, mais... le personnage peut paraître plus creux à la fin du propos.

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