J'ai...commis une erreur. Une grosse erreur...

Un écrivain part s'isoler dans une maison près d'un lac. Son but est de profiter de ce calme pour terminer son travail mais la discussion téléphonique avec son épouse montre bien que cette retraite a aussi d'autres raisons. Le couple va mal et la maîtresse aimerait bien profiter de cette occasion pour le rejoindre. À ceci s'ajoute l'angoisse de la page blanche...l'ambiance déjà pesante s'alourdit après la découverte d'une maison délabrée lors d'une promenade. L'horreur s'infiltre alors progressivement, insidieusement dans le quotidien, comme une ouverture sur un autre monde, ce qui se traduit par les sensations qui se dégagent des cases muettes, les trouvailles graphiques de Andrea Sorrentino renforcées par l'excellent travail de Dave Stewart aux couleurs. 

Après ce prélude, publié aux Etats-Unis à l'occasion du Free Comic Book Day, les contes du Mythe de l'Ossuaire se poursuivent dans Le Passage, un graphic novel de plus de 80 pages, Jeff Lemire et Andrea Sorrentino ayant annoncé leur intention de jouer avec les formats pour construire leur univers partagé horrifique. Le dessinateur continue également d'expérimenter visuellement, en multipliant les symboles, les répétitions de motifs circulaires, et en donnant une identité différente aux flashbacks, à l'onirisme appuyé, pour les différencier de l'expérience vécue par le personnage principal. Mais la frontière entre rêve et réalité peut être très mince...

John Reed est un géologue appelé sur une petite île où se trouve un phare et son unique occupante. Sally, une vieille femme asociale, lui montre un puits apparemment sans fond. Point commun avec la première histoire, l'ouverture vers un autre monde se fait dans un lieu reculé de tout. John Reed est un homme hanté, souvenirs d'un deuil traumatisant qui ressurgissent à proximité de l'aura maléfique qui se dégage du trou apparu mystérieusement. Là encore, Lemire et Sorrentino prennent leur temps, font monter le suspense en entretenant par petites touches ce climat étrange et les éclairs de violence avant un dernier acte aux accents lovecraftiens. 

Tout ceci reste encore assez cryptique lorsque l'album se referme, ce qui a pu désarçonner certains lecteurs d'après les critiques que j'ai survolées. Pour ma part, je trouve cela intéressant de ne pas donner tout de suite toutes les clés...et d'intriguer juste assez pour construire pièce par pièce ce Mythe de l'Ossuaire...