Trouver sa place

Cyril Dion le dit dans son Petit manuel de résistance contemporaine : il faut changer de fiction pour changer le monde (c’est très résumé). Il parle d’environnement et d’écologie mais je trouve que ce discours s’appliquerait bien aussi à l’accueil des migrants. Le discours médiatique (et malheureusement aussi le discours commun) est saturé de marques de peurs, de rejets, de racisme ou de repli sur soi. Pour cela, Les pays d’Amir fait un bien fou : c’est une fiction positive et généreuse sur un accueil honnête et digne. C’est une très belle histoire, toute simple. Les difficultés de l’accueil ne sont pas niées, le rejet de la part de certains, les réticences à faire de la place ou à trouver la sienne ne viennent pas entacher les valeurs de partage et de générosité qui ressortent de cette BD.

Amir est un réfugié syrien, il a fui son pays sous les bombes et se retrouve dans une situation précaire en France en attendant de pouvoir faire sa demande d’asile.

Solange est infirmière aux urgences, elle est la « fille » de gauche de sa famille. Elle a deux enfants, est usée par son travail, son couple bat un peu de l’aile. Elle va rencontrer Amir au cours d’une maraude. Quand son squat brûle, elle lui propose de venir venir dans sa famille le temps de se remettre.

L’accueil est mitigé : dans la famille de Solange, son père est un restaurateur raciste, sa sœur aussi, moins ouvertement toutefois ; sa fille ado n’a pas envie de voir quelqu’un débarquer chez elle. Heureusement il y a son mari et le petit Maximilien qui ont le cœur sur la main. Amir se fait une place dans cette famille : à coup de temps partagé et de recettes de cuisine, le charme prend. Mais pas pour tout le monde, les préjugés du père sont bien ancrés, pourtant il va avoir besoin d’aide et seul Amir va pouvoir lui en apporter. C’est une BD où on se parle, on prend le temps de connaître les personnages, les situations et ça fait du bien.

Les dessins sont beaux, il y a beaucoup de gros plans sur les visages, les émotions, les échanges de regard. On voit les personnages évoluer, leurs traits s’éclairent ou s’endurcissent. Les dessins donnent faim aussi, on a envie de se mettre à table.

Les pays d’Amir est d’ailleurs parsemé de recettes et d’anecdotes qui sentent bon la cuisine syrienne. Il y a aussi à la fin un texte collectif de jeunes -pour la plupart mineurs isolés- très touchant.

Une histoire qui met du baume au cœur, des recettes savoureuses et un ancrage dans le réel : j’ai adoré Les pays d’Amir que j’ai déjà lu et relu plusieurs fois. Une BD feel good à mettre entre toutes les mains !