Une visite magique du musée d'Orsay

Cette coproduction entre Vents d'Ouest et le musée d'Orsay ne pouvait que me séduire : d'abord parce que c'est Chabouté qui en est l'auteur et que je suis fan de ses œuvres, puis pour la découverte du musée que je n'ai jamais eu l'occasion de visiter…

L'idée de base n'est pas forcément originale avec ces peintures ou sculptures qui s'animent la nuit. Les statues descendent de leurs socles et vont se promener dans le musée ou déplacent gentiment des tableaux pour qu'ils puissent se parler entre eux. Évidemment, tout en en place dans la journée et les œuvres écoutent attentivement les commentaires des visiteurs.

J'ai déjà dit que je suis du N&B parfois très sombre de Chabouté. Mais cette fois-ci, ce qu'il nous raconte est moins sombre que nombre de ses scénarios. Je le soupçonne d'avoir passé de longs moments dans le musée en tendant l'oreille pour entendre les commentaires dans la journée et la nuit pour imaginer les rêves des œuvres exposées.

Il n'y a beaucoup d'humour dans les saynètes avec les visiteurs qui sont tels que nous avons tous croisé dans des musées : celui qui parle avec son téléphone et ne regarde pas grand-chose, ceux qui sortent le téléphone pour photographier des œuvres qu'ils ne regarderont plus après, ceux qui regardent les statues nues avec intérêt, ceux qui dissertent sur le style du peintre, celui qui est toujours à la traîne du groupe, la visite d'une classe d'ados plus intéressés par leurs téléphones que par les oeuvres…

Il y a surtout un tableau que m'on ne voit qu'à la fin mais qui est attentivement, parfois très attentivement regardé par les visiteurs. Aux expressions faciales des visiteurs, j'avais deviné lequel c'était. J'ai particulièrement aimé la visite du vieux monsieur aveugle accompagné de sa petite fille qui lui raconte les tableaux tels que ses yeux d'enfant les voient. C'est tellement vrai que je pense que Chabouté les a vraiment rencontrés.

La nuit, les statues se promènent. L'ours de Pompon dort sur le sol ou regarde un tableau montrant un glacier. Héraklès passe son temps dans les toilettes pour tenter de comprendre à quoi elles servent. Une statue d'homme et un tableau de femme s'aiment et passent leurs nuits à se parler. Les bustes d'hommes politiques de Daumier se chicanent en permanence comme leurs modèles le faisaient de leur vivant. Il y a aussi la femme d'un tableau posé contre une fenêtre qui surveille le passage s'un homme qui promène son chien.

Mais Chabouté a aussi une petite remarque terrible venant d'un surveillant à une statue : "Tu as de la chance, toi… Tout le monde te regarde, te dessine, te contemple… Nous, on n'existe pas. On est transparents, on fait partie du décor… invisibles…" C'est tellement vrai et cela me rend triste quand je vais dans un musée. Alors je vais leur demander un renseignement ou une explication et je vois qu'ils sont heureux et fiers de ce qui est en exposition.

Un superbe album qui me donne très envie d'aller à Paris exprès pour voir ce fameux musée que je ne connais toujours pas!