Âme Russe

Introduit de manière anachronique par la visite du musée de l’érotisme de Saint Pétersbourg, le récit revient ensuite à une période charnière, durant la première guerre mondiale, où la Russie des Tsars cède la place à la révolution bolchevique. Il s’articule autour du personnage controversé de Raspoutine, moine priapique, légende russe dont on ne sait s’il faut l’admirer ou le plaindre de déchainer autant de passions contraires. Face à lui, une jeune fille juive russe, intelligente, que rien n’arrête, semble être la seule à pouvoir lui tenir tête. Une lolita (vous verrez pourquoi) qui juge les adultes autour d’elle et ne transige jamais.

C’est l’âme russe qui travers et illustre l’ouvrage, avec tous ses excès, ceux des abîmes de l’âme, de la torture des cœurs, du ravage des corps. Et au milieu, montagne de points d’interrogations, arrogant à l’extrême et excessif en tout, le personnage de Raspoutine construit son mythe entre serviteur des pauvres, manipulateur des puissants et pauvre hère en déroute.

Il fascine aussi dans cette BD, servie par un dessin aussi étrange et changeant que lui. Il est parfois rigoureux à l’extrême dans les cases façon publicité soviétique ancienne, parfois angoissant dans des scènes de nuits où les silhouettes d’arbres déploient leurs branches angoissantes et griffus. Il entretien cet univers fantastique et d’outrance avec beaucoup de justesse.

Une BD aussi étrange que le personnage et la période qu’elle décrit ; Raspoutine, avec ses excès et ses failles incarne l’âme russe que les auteurs ont saisi pour la donner à sonder au lecteur.