C'est ainsi que l'on perdit un royaume...faute d'un clou...

Ce clou, c'est celui qui s'est planté dans la roue du pick-up du couple Kent, alors que les fermiers devaient se rendre à Smallville. Mais à cause de ce clou, les Kent ont décidé de rester à la maison et ils n'ont pas fait la rencontre qui aurait changé leur vie. Le vaisseau du petit Kal-El de Krypton a bien atterri dans ce coin reculé du Kansas...mais jusqu'à la dernière partie de la mini-série The Nail de Alan Davis et Mark Farmer publiée à l'origine en 1998, on ne saura pas qui a recueilli cet être venu d'ailleurs dont l'absence a changé la destinée de tous les personnages de cette version alternative de l'univers DC...

Comme il le précise dans sa postface, Alan Davis a toujours été un grand fan de l'âge d'argent des comics DC, même si la publication de ces titres était erratique dans l'Angleterre de sa jeunesse. Cela n'était en fait pas si gênant que ça car ces séries étaient pensées pour être accessible. Chaque numéro racontait en effet une histoire complète et il n'y avait quasiment pas d'arcs narratifs s'étendant sur plusieurs numéros. Et régulièrement les auteurs s'amusaient à imaginer ce qui se serait passé si un détail avait tout modifié (si Krypton n'avait jamais explosé, si Superman était mort, si Supes avait épousé Lois ou Lana Lang, ce genre de chose...) dans les bien-nommées Imaginary Stories. C'était un peu le même concept que les futurs Et si ? de Marvel...et plus tard, les Elseworlds de DC, dont font partie The Nail et sa suite, ont repris le principe des Histoires Imaginaires.

Dans Faute d'un clou..., Alan Davis examine donc un monde DC qui a du évoluer sans le symbole d'espoir qu'est Superman. Le ton est sombre et les métahumains sont ostracisés. D'après les membres de la Ligue des Justiciers, quelqu'un se cache derrière cette montée de haine et la situation complique même les relations entre les héros. La mini-série prend alors la forme d'une enquête menée par différents petits groupes et qui se déroule parallèlement à des événements dramatiques tel le bouleversement au sein de la Bat-Family.

La partie graphique est superbe et l'ensemble monte bien en puissance grâce à des révélations et des péripéties bien dosées. L'identité du responsable n'est pas si étonnante quand on se rend compte de l'importance qu'a eu Superman dans sa vie dans toutes les autres réalités et sa dernière réplique sur l'amitié après avoir enfin rencontré Kal-El est touchante. La première mini-série The Nail se referme sur de magnifiques pleines pages...et aurait très bien pu en rester là...

Alan Davis a pourtant décidé de lui donner une suite intitulée Another Nail six ans plus tard. Il faut dire que quelques points restaient en suspens...des sous-intrigues comme celles concernant Batman, Darkseid, Green Arrow et la façon dont un Superman débutant réagit à sa soudaine notoriété. Il y a de bons moments bien écrits dans cet Autre Clou...le team-up Flash/Atom, les scènes intimistes entre Kal et Lois Lane et le chemin de croix de Batman...mais cette fois-ci Alan Davis gère moins bien son imposante distribution et l'histoire globale qui rend hommage aux délires multiversels de DC est un peu plus lourde dans sa narration. C'est toujours aussi beau...mais ma préférence reste à la première mini-série...