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Critique de Nouvelles d'Hiroki Endo #1

par Tampopo24 le mar. 15 août 2023 Staff

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Obsessions chroniques en série

De Hiroki Endo, je n'ai longtemps connu que sa série de SF Eden It's an Endless world qui m'avait marquée par sa rugosité. N'étant pas une adepte des nouvelles à l'époque, j'étais passée à côté de la sortie de ses Histoires courtes de jeunesse. Je suis donc bien contente que Panini les ai ressorties à l'occasion de la fin de la réédition d'Eden, car comme toutes histoires de jeunesse, elles montrent tout le chemin parcouru par l'auteur.

Dans une édition proche de la réédition d'Eden, Panini regroupe les 2 tomes d'Histoires courtes d'Endo parues en 1998 et 2002 au Japon, soit 6 façons de découvrir autrement l'auteur dans des textes de longueurs et styles différents, mais où l'on retrouve déjà ses obsessions. Je regrette juste que malgré un appareil critique au début assez intéressant et les postfaces de l'auteur parues dans les tomes originaux, nous n'ayons pas juste une indication temporelle à la fin de chacune pour les situer. 

J'ai été heureuse de découvrir ici combien l'auteur pouvait nous offrir des histoires à nouveau puissantes dans un cadre si différents d'Eden, puis de MMA - All Rounder Meguru, qu'il publiera ensuite. Dans des formats différents : yakuza, tranche de vie familiale, histoire estudiantine ou lycéenne, SF, et des longueurs différentes entre 40 et 100 pages selon, l'auteur parvient à développer des thèmes forts et percutants. Que ce soit le poids de la vie pour ceux qui se sentent faibles mais sont forts au fond ; le poids de la mort et du deuil dans une famille dysfonctionnelle ; la question du péché et de la rédemption ; la nostalgie des années de jeunesse ; ou le poids de l'héritage familial ; à chaque fois l'auteur parvient à en faire le tour en imposant son ton, son rythme, sa marque de fabrique toujours très âpre, très grise, très amère. 

J'ai été surprise de découvrir qu'il avait réalisé les deux premières seul alors qu'il était encore étudiant en fac d'art, car vraiment elles n'ont rien à envier à celles d'un pro. On y retrouve déjà toute sa science du découpage et ses obsessions pour les yakuza et les familles dysfonctionnelles qui font déraper. Il s'en dégage aussi déjà cette belle mélancolie amère que j'associe à l'auteur et son goût pour les femmes aux longs cheveux noirs, typiquement japonais.

Ses autres histoires sont tout aussi bien écrites et viennent gratter là où ça fait mal. Il faut avoir le coeur bien accroché, ce n'est pas un titre à mettre entre toutes les mains. Endo propose une vision des yakuzas humaine mais pas rose pour autant. Même si on les voit de l'intérieur, ils sont violents, sans concession, même avec leur famille et leurs proches, et ce qu'ils commettent est horrible : sexe, meurtre, violences... Mais sous la plume d'Endo, il y a toujours de pauvres bougres pris là-dedans en connaissance de cause qu'on a envie de soutenir dans cette galère. Cela va du désabusé, au jeune peintre, en passant par l'ancien qui a perdu un bras, ou la fille forcée de se prostituer.

Mais il n'y a pas besoin d'être dans l'univers des yakuzas avec Endo pour retrouver ce ton grisâtre et mélancolique, il est également présent dans ses autres histoires. Il évoque ainsi tour à tour une personne âgée en situation de dépendance, une aidante au bout du rouleau, une relation toxique, une victime de violence, des jeunes désabusés à la fac ayant peur de l'avenir, un mangaka plein de regrets sur son passé... Et tous ces personnages, souvent moroses, souvent loosers, parfois banals, sont attachants. On a envie d'écouter leurs maux et de leur venir en aide. Endo est vraiment un chouette conteur des galères humaines mais aussi de l'espoir qu'il convient quand même d'essayer de trouver. 

En bref

J'ai ainsi beaucoup aimé retrouver l'auteur dans ce concentré de ses thématiques favorites évoluant à travers les années sous l'expérience qu'il a acquis. Ce peintre des galères humaines me touche à chacune de ses interventions peu importante les univers qu'il touche, peu importe l'âge qu'il a. Alors même si ce genre d'ouvrage peine à se vendre aussi bien chez nous qu'au Japon, il est toujours très intéressant de pouvoir suivre l'évolution et les envies plus libres qu'un auteur peut avoir sur des formats plus courts. Alors à l'image d'un Taniguchi autrefois et d'un Fujimoto de nos jours qui semblent avoir populariser le genre, j'espère qu'on en aura plein d'autres sur les auteurs phare de ce média.

8
Positif

La réédition de ce double recueil dans la ligne de la réédition d'Eden

Des préface et postface intéressante

Le plaisir de découvrir le parcours et les obsessions de l'auteur sur des formats plus courts

Des histoires variées mais percutantes et touchantes

De beaux personnages de loosers

Un ton gris et amer qui émeut

Des textes qui préfigurent son oeuvre future

Negatif

Un titre pour public averti

Une histoire plus faible et de moindre intérêt (Hang)

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