Le vrai Roi Lion

La même année qu'Astro Boy, arrivait chez nous, toujours chez Glénat, le célèbre Roi Léo, figure féline que Disney a emprunté à Tezuka au passage dans son chef d'oeuvre Le Roi Lion. Evoquons un peu ce retour aux sources.

Le Roi Léo est l'un des plus célèbres titres de Tezuka, publié à destination des enfants, il compte 3 volumes où on retrouve ce beau petit félin blanc vivre bien des aventures, dans une sorte de Livre de la Jungle inversé avec un lion comme héros partant puis revenant vers la jungle. Paru à l'époque chez Glénat, il a ensuite été republié par Asuka-Kazé mais est bien difficile à trouver de nos jours et je le regrette car c'est peut-être le Tezuka le plus accessible pour la majorité des lecteurs de tout âge. 

Le Roi Léo nous conte donc les aventures du fils d'un lion célèbre mort tué par des colons amateurs de safari qu'il dérangeait. Appuyé par sa mère, captive, il va tenter de rejoindre ses terres natales et récupérer son héritage. C'est un titre foncière pacifiste, mais pas un pacifisme d'opérette, un pacifisme pour lequel on se bat. De la figure du père de Léo jusqu'à ce dernier, nous suivons des héros félins pour qui les armes, la guerre, le conflit ne sont pas une solution ni une fin en soi. Un beau discours à souligner.

Le titre n'est pas pour autant un pensum. Au contraire, il est drôle et attrayant grâce à une mise en scène punchy où là, contrairement à Astro Boy, j'ai retrouvé le Tezuka aimant briser le cadre. C'est drôle, incisif et rocambolesque à souhait, en mode très cartoon avec une narration pétillante. Les personnages sont attachants, des parents de Léo au destin tragique, à celui-ci qui se retrouve embourgeoisé et va lutter pour se défaire de cette image et retrouver ses origines.

Nous sommes cependant sur un titre marqué par son époque d'écriture comme le souligne l'avertissement de Tezuka Production. Alors oui, il y a un portrait très caricatural de l'homme noir africain mais aussi du colon européen. C'est censé faire rire pour l'un, dénoncer pour l'autre, et ça fonctionne. J'ai vraiment retrouver du Kipling dans ce titre avec un Mowgli transformé en Léo mais en mode miroir inversé. L'un né chez les hommes et fini dans la jungle avant de revenir chez les hommes. C'est l'inverse pour Léo et c'est très bien fait, avec à la fois une intention de le grimer en homme, ce qui dénonce la colonisation, et un retour à la nature montrant les difficultés à retrouver son état premier et les maladresses inhérentes. 

Tezuka savait donc y faire pour proposer à la fois un divertissement pour les plus jeunes et un texte à message pour les plus âgés, le tout dans un enrobage pétillant et dynamique avec des graphismes simples mais ultra lisibles et performants dans ce qu'ils racontent. Le père de Léo était imposant, sa mère douce et forte, et lui attendrissant mais plein de potentiel. Le dessin fait parfaitement ressurgir cela et même si la peinture de l'Afrique est caricaturale, ça marche.