Critique de Spawn - La malédiction de Spawn #1
par Ben-Wawe le mer. 6 sept. 2023 Staff
Rédiger une critiqueTrois surprenants récits historiques de l’univers de Spawn, intenses mais particulièrement durs
Delcourt continue de proposer toujours plus de productions autour de Spawn, la formidable création de Todd McFarlane qui a récemment étendu son univers avec plusieurs séries en continu (Gunslinger sur un Hellspawn cow-boy, The Scorched sur une réunion d’antihéros infernaux, King Spawn sur une saga parallèle, autour du titre historique Spawn).
L’éditeur rappelle cependant aussi les grandes heures passées de la franchise, avec désormais en librairie La Malédiction de Spawn. Cette série a été éditée de septembre 1996 à mars 1999 en VO, et fut le premier titre régulier parallèle de la création initiale. Elle eut les honneurs d’une publication française dans des hors-séries de Semic, mais aucune édition reliée.
Delcourt propose ainsi trois volumes pour la totalité de cette série intense, troublante de 29 épisodes, tous écrits par Alan McElroy. Ce dernier est un scénariste de films (Halloween 4, The Marine…) séries TV (Vampire Diaries, Star Trek: Discovery…) mais surtout du long-métrage Spawn de 1997 !
Todd McFarlane lui a ainsi confié La Malédiction de Spawn, dont l’essentiel des numéros est dessiné par Dwayne Turner. Une unité scénaristique et graphique bienvenue, particulièrement surprenante au vu du contexte comics des années 90, particulièrement mouvementé.
Cependant, cette unité artistique n’implique pas une unité de personnages ! La Malédiction de Spawn est en effet une série chorale, où chaque intrigue vise des héros (plutôt antihéros) différents, bien qu’ils soient amenés à revenir… voire même à se croiser.
De quoi parle, ainsi, La Malédiction de Spawn Volume 1, qui comprend les onze premiers épisodes, et que valent-ils ?
Les quatre premiers numéros concernent la saga Sombre Futur.
Ils évoquent un avenir terrifiant, 400 ans après la mort d’Al Simmons. Dans l’année Anno Demonicus 500, au cœur de la guerre de mille ans menée par l’Enfer sur Terre, l’apocalypse s’accomplit dans l’ère de la damnation, où les Humains sont abandonnés aux démons.
L’on y croise Abaddon le Destructeur, chef des sauterelles démoniaques ; des nécro-soldats ramenés en Cauchemars ; le vicieux et sadique Desiccator ; le terrifiant Bune et ses Navkies, enfants arrachés à la Mort ; le tout sous l’autorité de l’Anti-Pape, qui règne au Nu-Vatican.
Dans ce monde, les Humains errent et survivent à peine. Matthew et sa mère Madrid cherchent un abri, tandis que l’Anti-Pape envoie le possédé Abel pour les piéger à cause d’un lien mystérieux qui les lie à Daniel Llanso. Ce criminel à l’âme noire est ramené en Hellspawn par le Phlégéthonien, successeur de Malebolgia. Dans cet avenir terrifiant, cet Hellspawn peut-il faire les bons choix… ?
S’il est intéressant et prenant de découvrir un monde entièrement dominé par l’Enfer, avec le côté grisant de voir un nouvel Hellspawn face à un tel contexte, la lecture n’est pas fluide.
Alan McElroy fait feu de tout bois pour bien caractériser l’horreur sur Terre, mais son écriture est alors un peu lourde, trop ampoulée. La voix-off est un rien trop présente, il y a des envolées lyriques dans les descriptions qui deviennent quelque peu usantes au fil des épisodes.
Dommage, d’autant que le scénariste y va aussi très fort sur l’horreur, avec des projections de glauque et de gore à chaque page. L’on est dans du Spawn très poussé, très dur, très brutal, avec un Hellspawn lui un peu trop passable dans sa caractérisation.
Les quatre épisodes suivants visent la saga Suture.
Ils reviennent au New York de Spawn. Les biens connus Sam & Twitch ne sont plus policiers, mais détectives privés. Ils sont chargés, par un fiancé inquiet, d’enquêter sur la disparition de la jeune, jolie et dynamique Gretchen Culver.
Celle-ci a hélas vécu et subi l’horreur, par un concours de circonstances abominable. En voulant fuir la scène d’un meurtre de masse perpétré par le serial-killer John Mawbley, elle est percutée par des véhicules de secours, qui lui font subir les pires abus. Policiers véreux et secouristes vicieux l’abandonnent alors au sadique Jeremiah Euden, mais… la vengeance va recoudre ce qui reste de Gretchen, pour qu’elle s’en prenne à ceux qui lui ont fait du mal.
Si la première intrigue est dure et violente visuellement, la seconde l’est également… mais rajoute une brutalité psychologique difficile à tenir. Le contexte d’abus sexuel et de corruption des autorités est particulièrement terrible, parce que l’on peut projeter cela dans le monde réel.
Les quatre numéros sont bien plus fluides à lire, la voix-off est moins lourde. L’utilisation de Sam & Twitch est très bonne, autant dans ce qu’Alan McElroy fait d’eux, que par les petites touches de légèreté qu’ils amènent. L’ensemble se lit bien, et se révèle aussi prenant et intense.
Notamment parce que la fin, dans un contexte bien étouffant, est un rien moins désespérée, ce qui est aussi agréable.
Enfin, les trois derniers chapitres concernent la saga Angela, sur l’éponyme ange chasseresse créée et récupérée ensuite par Neil Gaiman, qui a cédé les droits à Marvel il y a quelques années. Avant de devenir la demi-sœur de Thor (!), Angela est bien une héroïne de l’univers Spawn, qui agit dans l’Espace contre l’entité Argus, qui dévore toute vie sur plusieurs planètes. L’affrontement la mène cependant à revivre les décès des âmes qui, ensemble, ont permis de la créer… mais elle ne cesse aussi de voir le mystérieux Deurges.
Ce dernier semble lié à la Mort, et terrifie Cogliostro lui-même. Entre quelques flashbacks sur sa formation, Angela va solliciter l’aide de Spawn, alors que Deurges manipule l’Argus pour attaquer le Paradis lui-même…
Cette dernière saga, la plus courte, est sûrement la plus liée à l’univers Spawn, et à son époque. Revoir ainsi Cogliostro, Spawn et Lilith, notamment, ramènent le lecteur plusieurs années en arrière, et casse quelque peu l’aspect intemporel de la série.
Surtout, Alan McElroy brasse énormément d’éléments, entre l’origine précise d’Angela, la menace cosmique, le passage auprès des alliés, et la menace mystérieuse de Deurges. C’est dense, prenant, mais quelque peu flou et obscur, dans l’approche générale.
Cependant, il y a un côté réellement grisant à voir de tels enjeux, d’une telle ampleur, avec le personnage sympathique d’Angela, badass et grande gueule à la fois.
Un dernier mot, en conclusion, sur le graphisme de Dwayne Turner. Ce dernier a un style très proche du Greg Capullo de l’époque, avec néanmoins un côté quelque peu brouillon sur plusieurs images.
Cela donne des planches assez réussies, très sombres, très dures, très graphiques. Le dessinateur est un peu trop confus dans la première saga, mais s’améliore ensuite. Ses personnages sont bien croqués, suivent le code graphique général, mais l’œil est néanmoins un peu fatigué quand il tente de caser trop de choses.
Bien, donc, mais dans son jus de l’époque.
En bref
Delcourt propose un beau volume complet sur une pièce d’Histoire de l’univers de Spawn. Cette plongée dans trois intrigues différentes est prenante, avec des sagas troublantes et très intenses. Quelques maladresses d’écriture et de dessin rendent le tout moins fluide qu’il ne le pourrait, mais l’amateur de Spawn sera immergé dans un ensemble réussi, cependant particulièrement violent et dur. A ne pas mettre dans toutes les mains.
Positif
Des intrigues intenses et prenantes.
Du Spawn +++ : plus fort, plus dur, plus violent encore.
Une belle pièce d’Histoire, bien retranscrite et encore d’actualité.
Negatif
Une écriture un peu trop lourde et ampoulée.
Des dessins parfois brouillons.
Des propos, thèmes et illustrations souvent très violentes et très dures, qui bouleversent.
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