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Critique de Monotone Blue

par Tampopo24 le jeu. 28 sept. 2023 Staff

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Monotonie de l'adolescence

Nagabe est un auteur vraiment singulier, peut-être l’un des rares à qui j’attribuerais un peu une aura d’auteur underground, depuis ma découverte de son singulier Enfant et le maudit. Je suis donc ravie de le retrouver avec un nouveau titre plein d’anthropomorphisme pour évoquer l’épineuse question d’actualité du harcèlement scolaire.

J‘ai découvert Nagabe avec L’Enfant et le Maudit, un titre fantastique tirant plutôt sur le conte de fée mais avec des propos très intéressants sur la différence ou encore la parentalité. J’ai ensuite été ravie de le retrouver dans ce que j’appellerais des romances boys love inclusive peuplées d’animaux prenant la place des hommes pour conter des histoires parfois un peu dérangeantes, il faut l’avouer, notamment dans The Wize Wize Beasts of The Wizarding Wizdoms plus que dans le Patron est une copine. Il reprend ici ces codes dans une nouvelle romance LGBT, lycéenne cette fois, qui reprend le schéma du friends to lovers, mais avec un habillage d’une douceur et d’une bienveillance folle, qui m’a fait avoir un petit coup de coeur !

Comme dans ses autres oneshots, il habille sont histoire d’un décor assez banal : un lycée lambda, mais transforme les lycéens qu’on connaît en animaux de toutes les espèces : chat, chiens divers, renard, loup et bien sûr un lézard, qui vient d’arriver et détonne dans ce paysage. Le héros de l’histoire, ce sera le détaché Hachi, un chat dans toute sa splendeur, très indépendant, qui se moque des études et est assez indifférent aux autres. Celui-ci voit la vie de manière monotone, au sens le plus strict du terme car il ne voit pas toutes les couleurs, et il s’ennuie. Sa rencontre avec le lézard Aoi, différent des gens qu’il connaît, va l’amener à évoluer et sortir de sa torpeur.

Monotone Blue conduit avec étrangeté et douceur le lecteur d’une histoire qui peut sembler banale : l’accueil d’un nouvel élève différent, à une histoire éminemment touchante et puissante où on abordera amitié et différence ainsi que trauma suite à du harcèlement scolaire. C’est inattendu et ô combien apprécié à une époque où la sensibilisation est essentielle et ce genre d’histoire différente, originale, peut être une belle façon de le faire, surtout sous la plume tellement pleine d’émotion de Nagabe. Il y a quelque chose chez cet auteur et la transposition qu’il fait du mal être psychique dans les transformations du corps de ses personnages.

J’ai pour ma part été totalement séduite par l’ambiance de ce titre. Tranquille, presque nonchalante et pourtant terriblement intérieure. J’ai aimé la façon dont l’auteur traite d’abord de la différence, aussi bien de celle assez évidente d’Aoi, qui sera le prisme de cette histoire, mais aussi celle plus discrète d’Hachi, qui détonne par son détachement vis-à-vis de ses camarades et son côté un peu asocial dans lequel je me suis retrouvée. Cependant, c’est avec la rencontre des deux, leur confrontation et la naissance de leur relation si singulière que le titre va prendre toute sa couleur et quelle couleur puissante, forte et brillante ! J’ai été très émue par les émotions que commencent maladroitement à ressentir chacun des adolescents : du désir non compris d’Hachi, en passant par sa jalousie et bien sûr la peur immense d’Aoi de voir se répéter ce qu’il a déjà vécu avant, ailleurs. L’auteur fait preuve de beaucoup de finesse, rendant ces émotions encore plus fortes pour le lecteur.

Mais l’histoire n’est pas que drame et sentiments réprimés, c’est d’abord une très belle amitié qui se tisse lentement et avec une jolie pointe d’humour. Avec les doubles sens provoqués par le caractère animal des personnages, on ne peut que rire quand ils jouent à se montrer leur queue et à la toucher ; quand Hachi découvre la fraîcheur de la peau d’Aoi, ça donne aussi lieu à du pelotage en règle ; et j’en passe et des meilleures. Il se crée ainsi une sorte de double lecture amusante, plein de connivence, entre nous et l’auteur, qui permet de dédramatiser un peu les enjeux, qui certes sont importants et sérieux, mais ne doivent pas non plus tomber dans un excès de pathos. Ici, l’équilibre est parfaitement trouvé.

Les dessins recèle également de nombreuses scènes d’une grande douceur où on a envie de câliner nous aussi ses animaux, de les prendre dans nos bras et sécher leurs larmes à venir. C’est d’une douceur extrême et d’une beauté incroyable. Je n’aurais jamais cru apprécier un jour un dessin de lézard, eux qui me font froid dans le dos dans la vraie vie, mais ici l’auteur nous subjugue par ses jeux de blanc et noirs texturés sur sa peau. Quant à Hachi, c’est la figure type du chat blanc et noir classique qui fait très matou, on a aussi envie de se pelotonner contre lui. Et en même temps, le titre n’est pas juste joli, il y a une magnifique science des cadrages chez l’auteur qui crée des scènes en champ – contre champ, échange de regard, focus sur certaines parties du corps, qui rendent hommage aux sentiments amoureux adolescents.

En bref

Je pensais faire une petite lecture tranquille, presque banale et anecdotique, j’ai été frappée de la puissance des émotions qu’elle a su me transmettre dans cette relation qui a tout de la surprise. Nagabe est vraiment un excellent conteur et son goût pour traiter de la différence et de la maltraitance, avec douceur et poésie mais force, me va droit en plein coeur. La détresse d’Aoi, je l’ai vécue avec lui. Sa représentation charnelle du traumatisme est une excellente trouvaille. Et quelle magnifique amitié amoureuse pleine d’espoir. Une merveille !

9
Positif

Un auteur brillant

Le thème de la différence

L'équilibre parfait pour parler avec émotion des traumatismes du harcèlement

La belle trouvaille de sa manifestation physique

Une relation toute en émotion entre amitié et amour naissant

Des dessins d'une grande douceur

De l'émotion brute

Negatif

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