6.5

Critique de Nos différences enlacées #1

par Willos le mar. 24 oct. 2023

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Non-dits fait rance en lacets, démêlons tout celà.

Un nouveau yuri, une série en plusieurs volumes qui plus est, chez un éditeur qui accroche de plus en plus de wagons au train circulant sur cette voie. Sur le papier, ça s’annonce bien, avec une couverture plutôt sympa, et un titre en français (oui j’insiste là dessous).

Comme à mon habitude, la lecture ne commence pas avec la page 1, mais avec la 0,5. Oui, je soulève la jaquette pour voir ce qu’il y a sous le capot ; peut-être la couverture en noir et blanc, ou la maquette de celle-ci au crayonné, voire une simple ornementation sobre ? Nenni, déjà une scène bonus ! Ah oui mais non en fait, je risque un divulgâchage avant même d’avoir commencé. On reviendra dessus à la fin, ça fait longtemps que je n’avais pas vu de couverture bonus.

Alors la première page, l’illustration couleur, comme pour les suiv… ah non, les habituelles premières pages coloriées n’entament pas l’histoire, la page de papier glacé est en noir et blanc. Bon, admettons, ce n’est pas une obligation, mais le fait d’en mettre 2, une en couleur l’autre non, est-ce lié à la technique de reliage ? Quitte a avoir un support dédié à la colorisation, autant en profiter, en intercalant par exemple une illustration exclusive et décalant le début de l’histoire, ou même, soyons fous, en demandant un encrage à l’autrice, à son coloriste ou son éditeur, ou même l’autorisation de le faire par l’équipe locale. Ok, j’abuse.

Comme souvent, le premier chapitre introduit les personnages de façon trop succincte, dans des situations trop rapidement survolées et disons-le, nous offrant une lecture sans tétons. Sans tétons ? Quoi ? Elles n’ont pas de tétons ? Mais, euh, comment dire, faut m’expliquer.

Certes, je butte à la première page pour raison de chipotage technique, j’ai calé avant de démarrer. Mais alors que je passe la deuxième (page), je suis déjà sur la bande d’arrêt d’urgence du graphisme. Autant le trait est très classique pour du manga contemporain, passe-partout avec un tramage numérique, rien d’exceptionnel. Mais alors pourquoi ne pas avoir dessiné les tétons ? Sur un cadrage du buste de face ? On ne peut pas dire que le lectorat serait trop jeune, compte tenu du genre, de l’âge des protagonistes et des thématiques abordées. Et si on voulait aborder le sexe avec pudeur (à la page 2 d’un yuri adulte…), pourquoi ne pas simplement jouer sur la position des corps et la superposition des décors. Bref, le résultat tient presque du ridicule, face à deux bustes blancs quasi informes, comme un moulage en plastique, ou portant un maillot de corps. Je ne dis pas que le lectorat est composé uniquement de pervers voyeurs, parce que moi-même étant… lecteur (où je vais avec cette phrase), enfin vous voyez ça gâche un peu ma la lecture.

J’ai également l’impression que le trait est légèrement flou sur ces premières pages, avec un effet de crénelage numérique. C’est peut-être du à l’agrandissement, car mentionnons-le, il s’agit d’un grand format (15x21). Le bord des cases présentes aussi des microbavures, qui laissent penser que le tracé est fait à la main. C'est me semble t'il résolut ci-après, où l'encadrement numérique prend le pas dessus, mais avec une perte de dynamique dans la mise en page, les quadrilatères se rigidifiant en trapèzes.

Je vais reprendre ma critique comme j’ai dû reprendre ma lecture, avec résignation. Je disais donc que cette introduction me paraissait quelque peu prompte pour l’histoire qui allait nous être comptée.

Je vous résume les personnages et situations que vous allez découvrir au fil de cette histoire : Iori Tanaka se fait plaquer par son copain, se fait engueuler par son patron, va au restaurant, se fait chambrée par le chef, par la serveuse Minami Sendô, réconfortée, se murge, se réveille chez elle avec Minami dans son lit, qui lui prépare son déjeuner, lui raconte sa soirée ; elle part au boulot ; flash-back : elles ont couché ensemble, débrief' avec la collègue, retour au bar, accident de Minami, drame social, cohabitation, approfondissement des personnages, re-coucherie, et voilà, fin de ce premier volu… chapitre ! Ah non, autant pour moi, voyant la page de garde de fin de chapitre, je me rends compte qu’elle clôturait les deux premiers chapitres de… 8 PAGES ! Attendez, on a dans ce qui pourrait être l’extrait publicitaire des premières pages, plus de péripéties que certains n’en casent dans un tome entier.

Je m’arrête sur la première aire de repos scénaristique venue. D’accord, c’est toujours compliqué de tirer son épingle du jeu sur une nouvelle série pour accrocher le lecteur. Mais bon sang de bois, c’est quoi cette narration ? Je comprends mieux pourquoi l’éditeur l’a sorti en grand format. En effet, on a pas mal de bulles, de descriptifs, et le découpage des planches propose allègrement entre 4 et 8 cases.

On est sur du dense, il faut juste bien mâcher ces grosses bouchées. Mais l’ensemble sera t’il pour autant digeste ? Pas nécessairement bourratif car tout est dissous très (trop) rapidement. Avec ce qui nous a été présenté, l’autrice a intérêt à s’attarder plus sur chacun des sujets abordés et facettes de ses personnages, car on a déjà de quoi faire, notamment avec ce couple plutôt original, d’une employée de bureau de 28 ans quelque peu désabusée mais persévérante, et une jeune femme qui essaye de se (re)construire en traçant une voie non prévue par la société qui n’inclue pas les sujets qui sortent hors-catégorie d’un moule amoché.

Voyons voir ce que donne la suite de ce volume, que je puisse en faire une critique plus exhaustive, pour peut que la suite de la lecture le soit aussi (prions ensemble).

Le chapitre 3 récapitule un peu la présentation des personnages, si bien que pour une mise en situation à la fois directe et efficace, il aurait pu être le chapitre introductif, car... ah non, c’est tout. Quatre pages… je commence à me poser de sérieuses questions sur la narration. L’autrice cherche t’elle à survoler ses scènes pour les rendre plus précises, ou pour mieux infuser l’histoire sur la longueur ? À moins qu’elle ne sache pas où elle va et se contente de valider au coup par coup ses idées.

La scène suivante débutant le chapitre 4 fait plus écho aux attentes du lecteur qui aimerait poursuivre cette relation naissance et déstabilisante (dans, comme hors du livre), par le questionnement interne d’Iori, qui devrait embrayer naturellement celui du lecteur à ce stade de la… J’ai pas eu le temps de tourner la page, le préambule du chapitre étant « troisième jour de cohabitation », je vous offre la citation : « C’est rare que tu m’appelle depuis le travail ». Même les dialogues sont altérés par cette vitesse narrative. Bref, elles vont au karaoké et… fin du chapitre 4, après 2 pages.

Chapitre 5. En haut, flash-back ; en bas, elles sont à la mer. STOP ! STOP ! STOOOOOP ! Calmos les amigos, mollo sur le chapitrage, il lui arrive quoi à l’histoire ? Oui je dis « à » l’histoire et pas « dans » l’histoire, parce que je cours derrière le bus.
« On est où là ?», hé, t’as posé la bonne question ma cocotte. On est à deux pages du chapitre 6.

Mais Willos, tu nous as résumé déjà 5 chapitres, ça risque de nous gâcher la surprise si tu nous racontes tout le bouquin. Tout le bouquin ? On n’en est pas au quart. Je retourne au sommaire (le verso couleur de la seule illustration pleine page initiale), que j’avais passé sans grande attention, mais, qui prête attention au sommaire lors de sa primo lecture ?

Mes doutes se dissipent, et mes craintes se confirment.

Vingt-sept chapitres pour 133 pages. Plus un bonus. Je n’ai jamais lu un manga papier aussi décousu. Ils n’ont d’ailleurs pas de titres, et pour le coup je peux comprendre. Mais je me redemande si l’autrice ne note pas ses idées sur un carnet, puis les intègre peu ou prou telles quelles sans grande préoccupation pour la trame principale (y en aura t’il une in fine ?).

Les scénettes s’enchaînent, distillant ça et là des morceaux identitaires des protagonistes, éparpillés façon puzzle. Cela me fait penser à du yon-koma, sans le carcan des quatre cases.

Me serais-je fourvoyé sur l’idée préconçue de ce que j’allais lire. Étais-je en réalité en train d’appréhender ce qui se rapproche d’une série comme Inu & Néko. Mais alors, joie !

(NdA : Nan tristesse en fait, on en attends toujours le tome 5 ; Allô Ototo ?)

Le ton devient manifestement plus humoristique, parfois même drôle ; j’ai ri à deux chutes. D’ailleurs, à l’intention de l’équipe de traduction/adaptation, vous en avez loupé une énorme page 41, ou bien peut-être que je me fais des films...

Je poursuis mes rictus sporadiques face à ces blaguounettes, le cœur léger de retrouver un genre de… claque dans la gueule (aïe!). Je me dédis comme tu m’as démis, ô ouvrage tant facétieux que capricieux.

Bon, je vous épargne la critique de la deuxième partie, dans la même veine que la première, quoi que les gags s’estompent derrière une humble bonhomie. Notons simplement l’introduction d’un second couple, que je ne commenterai pas, car je ne sais pas si j'ai été déçu par la surprise, ou surpris par la déception. Elles m'auront à l'usure. On pourrait presque se demander si l’autrice s’était déjà lassée d’Iori et Minami, par trop de présence ou pas assez d’idées nouvelles, ou encore ne voulait pas surcharger son couple principal tel un patchwork.

Évidemment, avec une telle vitesse, la distance de freinage se rallonge, alors concluons par la sous-couverture que nous avions laissée et le chapitre bonus annoncé, ainsi qu’une petite présentation de l’autrice, qui nous explique comment… Comment ?! Forcément, tout s’explique.

Il eu fallu donc attendre cet instant fatidique pour comprendre.

Ce manga a initialement été diffusé sur Twitter. La narration, la mise en page, le dessin, la censure, etc., tout était modelé pour répondre en forme à ce support, altérant même le fond par la perception qu’on en a une fois transposé en relié. Du moins, pour le déconnecté que je suis.

Pour finir, je dirais que… les pages du chapitre bonus ne sont pas en noir et blanc ! C’est du monochrome rouge sur papier glacé. Vous voulez vraiment me court-circuiter les neurones jusqu’au dernier moment...

Cette critique qui pourrait faite à chaud et à charge, n’a toutefois pas vocation à occulter le potentiel de cette série. Déjà 5 tomes en France, et deux d’avance au Japon, si elle ne tenait ni la route ni ses promesse, elle ne serait ni en main tenue, ni maintenue.

C’est donc avec un plaisir sans extravagance mais non feint que j’aborderai le volume 2 de Nos différences entrela... .

… Je viens seulement de me rendre compte que le titre est en réalité Nos différences enlacées ...

En bref

La rencontre entre Minami, une fille abîmée par un début de vie atypique, remontant la pente dans une vie normale, qui cueille le cœur d’Iori, une fille au début de vie normal, mais qui tend à s’abîmer à l’usure en cherchant machinalement la banalité d’une vie conformiste.

6.5
Positif

Dessin maîtrisé

Couple original

Série longue

Alternance drame/comédie

Rythme soutenu

Bon potentiel situationnel

Negatif

Où sont les tétons ?!?

Personnages survolés

Narration décousue

Alternance comédie/drame

Rythme effréné

OÙ SONT LES TÉTONS !?!

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