Ces derniers mois, Vega-Dupuis a inauguré une nouvelle collection : « Alpha » destinée à des projets plus artistiques, qui s’affranchissent des codes traditionnels du manga tant niveau format que du contenu. Si j’ai réussi à résister au premier titre Kurage, il n’en fut pas de même avec Samura, brillant opus tout en couleur célébrant avec malice le folklore japonais.

Oeuvre que l’on doit à Oku, dont c’est la première publication chez nous en France, celle-ci a initialement été publiée au Japon chez Kadokawa Shoten, et méritait une belle édition grand format pour célébrer la richesse de son dessin. C’est en effet un objet entre artbook et manga que nous présente l’auteur tant son trait et sa mise en couleur son riche. Sorte de Chihiro au pays des samouraïs, Samura est un doux petit bonbon à savoureux avec plaisir et malice !

Pour cela, Vega a mis les petits plats dans les grands, avec ce beau format plus grand que les mangas habituels mais pas trop, dans une reliure plus rigide mais gardant un peu de souplesse, et sur un beau glacé mais sans les problèmes de reflet qu’on rencontre parfois, le tout en pensant bien aux marges pour profiter au maximum de l’expérience. Et quelle expérience !

Samura nous embarque dans une folle aventure où se mélangent folklore, fantastique et polar urbain dans un Japon ancien revisité des plus savoureux. Avec un trait qui me rappelle un peu celui de Natsume Ono, Oku nous embarque dans une folle poursuite dans les ruelles et maisons à l’ancienne de cette Edo / Kyoko fantasmée. C’est vif, fou, loufoque et très poétique. Nous y suivons un samouraï à la recherche de son identité, qui de mission en mission va croiser de manière allégorique et poétique tout un pan de la culture folklorique japonaise, qui un daruma, qui un dragon, qui un prunier et j’en passe. C’est volontairement flou mais savamment onirique. On se laisse totalement porter par sa drôle de quête et les rencontres fabuleuses et loufoques qu’il fait, auxquelles il répond souvent avec des allures de KillBill sanguinolent.

J’ai ressenti un petit air de Chihiro dans ce conte burlesque. J’y ai retrouvé les folles poursuites animés de Miyazaki à travers ces paysages de villes japonaises d’autrefois, ces faux semblants quant aux personnages qu’on croise et ce héros gentiment mélancolique qui se cache derrière son sabre. C’est subtilement beau et poignant dans chaque histoire, avec un petit ton tragique caché derrière la loufoquerie et l’improbabilité du moment, ce qui conférait une belle ambiance poétique décalée à l’ensemble.

Mais clairement, c’est l‘expérience visuelle que je risque de retenir. Impossible de rester insensible, moi la fan d’expériences graphiques, devant cette course poursuite avec un dragon, qui prend vit sous nos yeux et nous immerge dans ses dangers grâce à des cadrages improbables. Impossible de ne pas craquer face aux histoires de ces arbres qui prennent vie à travers ses branches qui n’en finissent plus de nous interpénétrer. Et que dire de ces jeux d’ombres et lumières qui cachent bien des secrets et en disent si long sur la nature des personnages croisés. C’est un vrai festival pour qui aime le côté traditionnel du Japon mais avec une touche de folie poétique qui pourrait presque être du cyberpunk à l’ancienne avec les racines remplaçant les câbles. Saisissant !